Catégorie : Ressources documentaires et archives
Appel à contribution de Claus Kropp: Travailler avec l’énergie animale au 21e siècle Une archive virtuelle, de l’importance et de la promotion des animaux de trait
Claus Kropp du Laboratoire d’Archéologie Expérimentale de Lauresham en Allemagne lance un appel pour créer une banque de documents vidéos des attelages en traction animale dans le monde aujourd’hui.
Un appel auprès de tous les utilisateurs en France est lancé.
Merci de lire le document ci-dessous et de faire le maximum pour y répondre afin de créer un outil documentaire indispensable à la mise en avant de la traction animale.
Nous lançons tout particulièrement l’appel aux bouviers puisque c’est ici sur ABA le lieu de le faire.
Conjointement, un congrès virtuel intitulé « Animaux de travail – passé, présent et avenir » sera mis en place les 8 et 9 mai 2021 où la banque de données et une première série de clips seront présentés à cette occasion.
Nous comptons sur vous et faites passer l’info!!
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Les animaux de trait à travers le monde continuent à contribuer à la vie et à l’économie de millions d’êtres humains. Que ce soit pour le transport, l’agriculture ou la foresterie, le recours à l’énergie animale est d’une importance primordiale depuis des siècles.
Bien que sa soutenabilité économique ne soit pas mise en doute, on constate aujourd’hui dans de nombreuses régions du monde un déclin massif du nombre d’animaux de travail.
La pression de la part des marchés capitalistes, la rationalisation technologique du travail agricole et la baisse qui en résulte à l’échelle mondiale du nombre d’agriculteurs modestes et de paysans ont mené à l’abandon de l’énergie animale en faveur d’outils et de transports qui dépendent des énergies fossiles.
Ces archives virtuelles visent à documenter l’état actuel de l’utilisation des animaux de trait au XXIe siècle. Elles serviront aussi à démontrer que l’utilisation de l’énergie animale n’est pas une question de nostalgie ou de folklore, mais dans certaines circonstances, reste économiquement viable et soutenable.
À travers entretiens, vidéos, photographies et illustrations, ces archives offriront à de nombreux témoins l’occasion de dire les raisons pourquoi ils utilisent des animaux de trait et de travail, et d’évoquer les défis auxquels ils font face. Les organisations, associations et musées impliqués dans la préservation et la promotion de la traction animale et qui forment les utilisateurs ou informent le public sont également invités à contribuer.
Comment utiliser ces archives numériques ?
Ce projet de banque de données en accès libre aura son propre site Internet et permettra de visionner toutes les vidéos en utilisant des mots-clefs ou des sujets proposés grâce à un menu déroulant (par exemple, agriculture, transport et foresterie). Il sera également possible de chercher par pays.
La structure des clips vidéos
Chaque vidéo devrait durer environ 5 minutes et commencer par une image fournissant les informations de base (situation géographique, date, éléments descriptifs, etc.). Suivra un entretien introductif sur la personne, l’association ou le musée, et ensuite une série de séquences vidéo et de photos pourra conclure le clip afin de donner une impression aussi vivante que possible des animaux et du travail pour lequel ils sont utilisés. Pour une meilleure compréhension des vidéos, il est souhaitable d’ajouter des sous-titres.
Comment soumettre des clips à destination des archives ?
Il n’est pas nécessaire de nous fournir des versions déjà éditées ou finalisées. On peut envoyer les documents séparés pour l’entretien, les clips vidéo, les photos ou illustrations au moyen d’un disque dur externe, par des systèmes comme WeTransfer ou Dropbox.
Un document séparé devrait détailler les données sur la situation géographique et les informations sur la personne, l’entreprise, l’association, l’exploitation ou le musée, ainsi que l’autorisation pour la « Digital archive of draft animals usage in the 21st century » d’éditer et d’utiliser toute la matière fournie. Après examen des données, les clips vidéo seront édités, finalisés et publiés dans la banque de données.
Congrès virtuel : « Animaux de travail – passé, présent et avenir » en 2021
La banque de données et une première série de clips seront présentées lors d’un congrès virtuel « Animaux de travail – passé, présent et avenir », 8-9 mai 2021
Organisée par
Claus Kropp
Laboratoire d’Archéologie Expérimentale de Lauresham
Nibelungenstrasse 32
64653 Lorsch
Allemagne
Saison 2020 de la ferme à l’ancienne chez Maryse et Michel Berne, Bourg Argental (42)
Maryse et Michel Berne (rouvrent leur musée agricole pour la saison 2020.
N’hésitez pas à faire un détour par Bourg-Argental dans le parc du Pilat, à 1h 15 de Lyon, 35 minutes de l’autoroute A7 et 30 kilomètres de Saint Etienne, pour découvrir leur ferme de montagne, leur musée et rencontrer deux passionnés dont la gentillesse est à la hauteur de leur investissement dans l’attelage des bovins, la sauvegarde du patrimoine agricole et le maintien des savoir-faire.
Attention, le musée est fermé le dimanche.
Contact, Maryse et Michel Berne:
04 77 39 60 75
maryse1955@hotmail.fr
Jougs, contre jougs, le catalogue de l’exposition (1993/1994), Ecomusée de Savigny-le-Temple (77)
En 1993-1994, l’Ecomusée de Savigny-le-Temple (Seine-et-Marne) présentait l’exposition « Jougs, contre Jougs ».Cette exposition était une initiative de l’AFMA (Fédération des Musées d’Agriculture et du Patrimoine Rural), du musée national des Arts et Traditions populaires, avec le CNRS et bien-sûr de l’Ecomusée de Savigny-le-Temple, pour son financement.
« Cent jougs des provinces de France » étaient proposés à la découverte des visiteurs mettant en valeur leurs variations typologiques et les travaux effectués par les bovins ainsi attelés. Les jougs provenaient des collections du musée national des ATP mais aussi de très nombreux musées ruraux à travers la France.
Depuis lors, aucune exposition de cette importance n’a été réalisée. Le musée national des ATP a reçu le legs de la très importante collection de jougs rassemblée par Jacques Leclerc et est devenu, en 2013, le musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem). L’Ecomusée de Savigny-le-Temple a été dissout et ses collections en partie conservées aujourd’hui au musée départemental de Seine-et-Marne à Saint-Cyr-sur-Morin.
En accord avec les organisateurs et notamment Edouard de Laubrie, à cette époque commissaire-adjoint de l’exposition et aujourd’hui responsable du pôle « agriculture & alimentation » au Mucem et par le biais de Pierre Del Porto, Président de l’AFMA qui en a réalisé la copie, vous trouverez le fac-similé du catalogue de cette exposition, présenté ici en deux parties.
Un grand merci à tous ces acteurs, de permettre de partager ce document qui, sans eux, serait resté confidentiel et oublié.
Pour les découvrir, cliquez sur les liens ci-dessous:
Jougs, contre Jougs 1993 Part 1
Jougs, contre Jougs 1993 Part 2
Les Galvachers, meneurs de boeufs du Morvan, sur le site « Eulglod »
Découvrez sur le site de Claude Minard, « Eulglod » en cliquant ici, un article assez complet consacré aux Galvachers du Morvan, meneurs de boeufs qui louaient leurs services hors de leur pays pour pouvoir vivre.
Merci à lui.
Reportage photo sur la fabrication d’un joug à Anost (71) en 1977
Merci à Philippe Berte-Langereau de nous communiquer cette belle série de photos retrouvées dans les archives de « Lai Pouèlée » par son fondateur Pierre Léger.
RÉQUISITION DE BOEUFS EN PAYS CLUNYSOIS PENDANT LA REVOLUTION FRANCAISE, par Maroussia Laforêt
Une histoire de bœufs et de bouviers…
Voici un document qui peut intéresser les amateurs d’animaux de trait et d’attelages.
Venu directement de la fin du XVIII° s., le passage que je vous propose est à la fois anodin et fugitif : quelques mots cachés au cœur de deux délibérations de la ville de Cluny datées de 1795, simples compte-rendus des conseils municipaux de l’époque, qui nous en apprennent finalement beaucoup de la vie quotidienne en Bourgogne du Sud, et plus particulièrement dans le Clunysois il y a plus de deux siècles.
La langue française de 1795 a été conservée dans la transcription (p. 1 à 3), qui reste lisible quoique parfois surprenante question orthographe et ponctuation.
Les passages surlignés en gras font directement allusion à la réquisition des bœufs.
Première délibération : « Boeufs » – feuillet 129
25 nivose an III de la République GUICHARD maire PONIEL LAROCHE ADNOT, MUTIN GUILLEMIN officiers municipeaux, DEBEAUX DUTTRION BARBET FERRIERE PETITJEAN PERRIER et PIRET notables ont paru à la maizon commune […]
De suite un membre a observé qu’à l’exécution de l’arreté du departement du sept du présent mois, et celui du district du dix-sept, on devait […faire la repartition des quatorze bœufs et cinq bouviers qui doivent être levés dans notre canton. Les dits bœufs nantis de deux jougs chaque paire que cette répartition devoit être faitte dans le vingt-quatre heures sont ensuite à se concerter pour le tout avec les officiers municipaux de tout le canton sur les différentes mezures qui pourraient entraver cette operation nottament sur la fourniture de cinq bouviers et qu’en même tem il falloit nommer un expert qui serait chargé de faire l’estimation des dits bœufs et harnais conjoinctement avec celuy du district et un de la part du propriétaire des bœufs sur quoy déliberant le cytoyen MUTIN faizant les fonctions d’agent national en l’absence du cytoyen CHARLES entendu il a été arrété que la repartition des dits quatorze bœufs demeuroit faitte ainsy que suit cluny en fournira deux Pont sur Grosne Mazille Bergesserin et Curtil deux Donzy le National Buffiere et Garde deux Lavineuze Massy deux Cortambert Blanot et Donzy le Pertuis deux Jallogny et Chateau deux et Lournand deux en tout quatorze lesquelles communes seront tenues de faire les dittes fournitures
le plutot possible chaque paire de bœuf ayant deux jougs garnis de leurs agrais pour le trait en telle sorte qu’ils puissent être rendu au chef lieu c’est adire à cluny dans la 8ne [huitaine] de la notiffication qui leurs sera faitte de la prezente déliberation et être estimé par le citoyen DUMONT ainsi que la commune nomme pour expert conjointement avec celuy du district et celuy quil plaira au propriétaire de choizir en prézence de deux officiers municipaux qui dresseront procès verbal de cette operation et de suitte il sera tiré mandat sur le receveur du district pour obtenir payement lequel mandat sur le viza du district sera de faitte acquitté et ont tous les membres
signé la prezente ledit jour étan.
Suivent les signatures du maire, des officiers municipaux et des notables de la ville de Cluny
Seconde délibération : « Procès verbal réglé contre les communes qui nont pas fourni leurs contingents de bœufs » – Feuillets 131 et 132
Aujourd’hui 14 pluviose an III, sur les cinq […] de relevées nous maire et officiers municipaux de la commune de cluny nommés par l’arrêtte du district de macon du 27 nivose pour faire la repartition entre les communes de ce canton du contingents des bœufs jougs et bouviers qu’elles étaient dans le cas de fournir d’après larrête du Comité de Salut public du 19 brumaire dernier le dit contingent déterminé pour notre canton à une quantité de quatorze bœufs par autre arrêtté du district du 17 nivose, nous maire et officiers municipaux après avoir fait la repartition entre les dites communes le 25 dudit mois de nivose leur avait fait parvenir les ordres et instructions tendantes à leur faire fournir leur contingent chacune en cequi les concerne et leur avait a cet éffet de se trouver cejourdhuÿ et faire trouver leurs bœufs garnis de leurs jougs avec leurs propriétaires leurs experts pour conjointement avec REBOUX expert nommé par le district, et DUMONT ainé nommé de notre part faire l’estimation des dits bœufs et jougs et recevoir ensuite le montant de la dite estimation un mandat par nous signé par le receveur du district. La commune de cluny à fourni les deux céans [ici], celles de Blanot Cortambert et Donzy le Perthuis deux, celles de Lavineuse et Massy deux, quant aux autres communes aucunes non présenté ni donné leurs motifs à l’exception de Joseph DECHAISE de Donzy Lenational et qui sans être assisté d’officiers municipaux en droit ni de
ceux des autres communes aux quelles il etait soumis en a présenté deux garnï d’un seul joug mauvais, lesquels dits bœufs ont été refusés par les experts REBOUX et DUMONT pour cause de deffectiosité dont et dutout nous commissaires cette part avons réglés le présent procès verbal du jour et au susdit troisième année républicaine et nous sommes soussignés avec les dits REBOUX et DUMON experts.
Suivent les signatures du maire, des experts, des officiers municipaux et des notables de la ville de Cluny
Il s’agit de l’une des rares mentions concernant des bœufs dans les Délibérations Municipales D1 conservées aux Archives Municipales de Cluny. On est 1795, « année de la faim », en pleine tourmente révolutionnaire, pendant la Convention: les dates de ces deux délibérations, 25 nivose an III (janvier 1795) et 14 pluviose an III (février 1795), correspondent à une période de privations et de réquisitions pour les habitants de Cluny et des alentours.
« 14 paires de bœufs munis de jougs, deux paires par attelage, avec harnais et agrais pour le trait ».
Très peu d’informations. Pas d’explication complémentaire. On aurait pu penser, à première lecture, que ces 14 bœufs, avec jougs, harnais et agrès (liens en cuir et/ou corde et anneaux de traction en cuir ou bois torsadé, appelés cordets dans la région) pouvaient être destinés aux labours. Or nous sommes en plein hiver, en janvier et février 1795, un froid exceptionnel s’installe dans tout le Clunysois : « La glace tient la Grosne et empêche le jeu des moulins qui sont arrêtés », et « les amas de neige couvrent l’horizon ». De plus, cette réquisition se fait en plus dans l’urgence. Il faut donc chercher une autre cause que celle d’un hypothétique travail agricole, car les sols sont gelés sur une belle épaisseur.
Collection M.-Thérèse PROST
Tous droits réservés
C’est dans le contexte de ces années révolutionnaires qu’il faut chercher une éventuelle explication. On a brûlé les terriers seigneuriaux sur la place de la Foire de Cluny en haut de la rue du Merle le 28 septembre 1793, et depuis cette date, la commune procède régulièrement à des réquisitions de subsistances, notamment de grains : « froment, orge, gesses (une légumineuse ressemblant aux pois), turquis (maïs) et seigle ». Dans l’hiver 1793-1794, on les entrepose dans l’église Notre-Dame, et ces céréales sont destinées à nourrir les indigents, environ 5% des 4 000 habitants de cette ville qui, fin XVIII° s., « sont dans une disette effroyable ».
En janvier 1794, le district de Mâcon exige des communes du canton de Cluny des grains, des légumes, de la paille et même « 21 bœufs gras et 4 vaches », ainsi que « tous les cochons tant morts que vifs ».
En mars suivant, on recense « tous les bœufs qui ne sont pas nécessaires à la culture ». La commune a ordre également de fournir du blé pour « les armées et la ville de Paris ».
Ces réquisitions rendues obligatoires par le Comité de Salut public, qui sont destinées à l’approvisionnement des armées et de Paris, sont mentionnées à plusieurs reprises, de façon d’autant plus insistante que nous sommes en hiver, on sait que la « soudure » sera difficile. Les grains se font rares, la crise économique s’installe et les prix augmentent. Les paysans évitent de vendre leur récolte, spéculant sur une éventuelle flambée des cours. Au printemps 1795, le marché de Cluny est vide. Aucun paysan des communes voisines ne vient proposer son grain. La crise de 1795 couvait en fait depuis un moment…
On peut donc penser que cette réquisition de 14 bœufs avec « deux jougs par paire avec harnais et agrès » semble avoir été ordonnée pour transporter les céréales réquisitionnées jusqu’à Mâcon, afin de répondre aux ordres du district et alimenter l’armée et Paris. L’opération ne doit rien au hasard : la répartition se fait par village, y compris la ville de Cluny qui fournit une paire de bœufs (en 1795, les 2/3 de la commune « sont couverts en bâtiments, vignes ou prés »), mais si la Grosne est gelée, la Saône doit l’être également, et les transports par voie fluviale sont sans doute compromis. L’hypothèse est d’autant plus vraisemblable qu’on adjoint à cette réquisition 5 bouviers, capables de mener les charrois.
L’opération est surveillée de près par des Commissaires aux Subsistances et des experts. Les propriétaires sont convoqués. Pour finir, trois paires de bœufs seulement sont livrées. Les communes défaillantes n’ont pas donné d’explications. On devine que les paysans traînent les pieds…
Dans ce contexte, Joseph DECHAISE, cité dans la seconde délibération, fait-il preuve de mauvaise volonté en ne fournissant qu’un seul joug ? N’a-t-il réellement qu’un « joug mauvais » à présenter, alors qu’il est propriétaire de son attelage et qu’il appartient à la catégorie la plus aisée des paysans, celle des laboureurs ?
La défection de plus de la moitié des communes et cette histoire de joug défectueux vont vraisemblablement dans le sens d’une résistance des communautés villageoises au printemps 1795, preuve que la situation se tend, prémisses d’une agitation populaire rurale mais aussi urbaine qui éclatera à la fin du printemps. Ainsi, en juin 1795, à Cluny, la municipalité interdit « le chant des Marseillais », les attroupements, et le tapage nocturne après minuit. Il y a même des patrouilles dans la ville pour garantir la sécurité publique de 7 h. du soir à 3 heures du matin.
Sources : Délibérations de la ville de Cluny
Archives Municipales – D1
27 juillet 1793 – 19 messidor an III
Maroussia LAFORET
Vidéo de louis GUIRAL Jougatier de Salles-Curan (12)
Voir le site « Occitan Aveyron » en cliquant ici.
Il y avait toutes sortes de petits métiers sédentaires ou ambulants comme le cordonnier appelé sudre ou pegòt, l’esclopièr (sabotier), lo jotièr (jougtier), lo barricaire (tonnelier), l’estamaire (étameur), l’amolaire, ganha-petit ou agusaire (rémouleur), le tailleur appelé sartre, lo cadièiraire (fabricant de chaises), lo candelaire (fabricant de chandelles), lo matalassièr ou matalassaire (fabricant de matelas), lo pelharòt ou pelhaire (chiffonnier)…
Pour fabriquer les jougs, on faisait appel à un jougtier : lo jotièr.
Habituellement, le jougtier venait sur place pour fabriquer les jougs sur mesure. Il fallait tenir compte de la taille des bêtes (bœufs ou vaches) ainsi que de leur morphologie.
La redonda est l’anneau, maintenu par une cheville (cavilha, ataladoira), qui reçoit le bout du timon (pèrga). Littéralement, redonda signifie ronde.
Las julhas sont les longes de cuir qui permettaient d’attacher le joug sur la tête des bêtes.
Le jougatier, fabricant de joug, article patrimoine sur le site Millavois.com
Lionel Rouanet nous fait passer le lien de cet article consacré à un ancien fabricant de jougs Monsieur Louis Guiral de Bouloc à Salles-Curan (12).
Il vient de paraître sur le site Millavois.com.
Merci à Lionel pour son envoi.
Patrimoine. Ces métiers disparus : le jougatier

Jougatier : fabricant de jougs. Un joug est une pièce de bois qui lie les animaux côte à côte.
Sait-on encore ce qu’est ou plutôt ce qu’était, un « jougatier » ? Le mot ne figure ni sur le Larousse ni sur le Petit Robert. Il serait certainement refusé au jeu des Chiffres et des Lettres.
C’est en effet un métier qui a presque totalement disparu puisque le jougatier était l’artisan qui fabriquait les jougs. Métier dont l’origine se perd dans la nuit des temps, mais qui n’existe plus depuis que le bœufs, trop lent pour notre siècle de vitesse, a fait place au tracteur.
Le plus ancien système serait le joug à cornes où une barre en bois était placée entre les cornes d’un bovidé.
J’ai eu pourtant le plaisir de rencontrer tout récemment un des derniers jougatiers de notre région, Monsieur Louis Guiral, de Bouloc. C’est lui qui a sculpté les derniers jougs dont nous avons eu besoin pour notre petite propriété de l’Hospitalet.
Accompagnée de mon fils j’ai passé l’après-midi chez lui ; et là, dans la bonne chaleur de sa cuisine- il faisait très froid dehors- il nous a parlé de son métier.
Ce métier, il l’a appris simplement en regardant travailler un autre jougatier. Pas besoin, à cette époque, d’un C.A.P. Mais il devait tenir de son père une aptitude particulière à ce travail, ce dernier, simple paysan, exécutant de remarquables sculptures sur bois.
Ses outils n’avaient rien de compliquer : la hache, l’herminette (hache à tranchant recourbé), la plane (lame tranchante à deux poignées) et une vrille ou tarière.
Les jougatiers étaient peu nombreux ; aussi leur activité s’exerçait parfois loin de chez eux. De Bouloc, où ils étaient deux, ils venaient jusqu’au Larzac, au causse Noir ou sur les terres de Saint-Affrique. Ils suivaient les foires de la région, rencontrant aussi leurs clients, et fixaient ensemble un jour déterminé. Monsieur Guiral se rendait à son travail à bicyclette. Venir de Bouloc à l’Hospitalet représentait un bon exercice ! Aussi tâchait-il de grouper ses commandes. En été, profitant au maximum de la durée du jour, il pouvait faire deux jougs dans la même journée. Il se rappelle avoir fait à l’Hospitalet onze jougs en une seule semaine.
Le premier travail était de choisir le bois. Il fallait une bille d’environ 1,40 m sur 0,50 de diamètre. Sur notre plateau, c’était le plus souvent de l’ormeau ou du frêne.
Ailleurs, c’était du hêtre ou même du noyer. Il lui est arrivé, sur le causse Noir, et à contrecœur, d’avoir utilisé du pin. L’essentiel était que le bois fût vert car il était plus facile à travailler. Parfois, il allait choisir lui-même l’arbre à couper.
Les deux bœufs étaient alors amenés et placés côte à côte, comme ils devaient être bons à l’attelage. Le jougatier après avoir dégrossi le bois à la hache procédait à des essayages. Travail délicat : le joug ne doit pas blesser la bête ; il doit s’adapter à la forme des cornes, particulières à chaque bœuf.
C’est en effet aux cornes que sera lié le joug à l’aide de deux longues courroies, les « juilles ». Le joug doit être très légèrement arqué- c’est imperceptible à l’œil non averti, pour que chaque bœuf, ayant la tête légèrement tournée vers le centre, puisse voir son compagnon de travail. Ainsi, après des essais de fines retouches, un polissage le joug est terminé. Alors le jougatier le signait à l’aide d’un poinçon à son nom, imprimé par un bon coup de marteau. Ultime travail : il allumait un feu de branches et d’éclats et passait rapidement le joug à travers la flamme afin de durcir le bois trop vert.
Dans le Languedoc le travail de la vigne s’effectuait avec des chevaux. Mais pendant la cruelle période de 1940 à 1945, la nourriture des chevaux devint si difficile à assurer que certains propriétaires ont eu recours au bœuf, plus rustique que le cheval- pour labourer les vignes. Il a donc fallu sculpter des jougs pour un seul animal. C’est ainsi que Monsieur Guiral nous a fait deux jougs pour les bœufs que nous avons utilisés sur quelques vignes du Midi. L’autre jour il nous rappelait qu’il avait même imaginé, à la demande d’un ami, un joug très large, permettant aux bœufs d’avancer dans la vigne, séparés par une rangée de souches. C’est le principe adapté plus tard par le tracteur-vigneron.
Le jougatier était reçu cordialement par le propriétaire chez qui lui venait travailler. Il y trouvait toujours le gîte et le couvert. Et quand il était d’humeur joyeuse, il chantait.
Texte de Marthe Bergonier,
paru dans la revue « Le Caussenard » n°16,
janvier-février mars 1986 »
















































