1 3 4 5 11

Le ferrage des vaches ou des bœufs, article publié sur le blog de Papou Poustache

 

ob_865c1c_image2

Photo tirée du blog de Papou Moustache

Retrouvez un article assez complet sur les travails à ferrer et le ferrage des bovins en Auvergne issu du blog de Papou Moustache en cliquant ici.

Voici l’article : 

Le ferrage des vaches ou des bœufs

 

Dans beaucoup de villages vous avez du voir ces ossatures bois couvertes d’un toit mais savez vous comment ils étaient fait et surtout à quoi cela servait.
Dans cet article je vais essayer de vous en dire un peu mieux.
Pour élaborer cet article j’ai fait appel à mes souvenirs quand je gardais les vaches à Sagnes vers Anzat le Luguet qui avait un couple de vaches de travail pour les champs boueux ou le tracteur ne pouvait aller et aux explications des anciens sur le sujet et de documentation sur internet.
Si un cheval peut, le temps d’un ferrage, tenir sur trois pattes, la morphologie du bœuf ne le permet pas. Dans la majorité des cas, le ferrage d’un cheval semble poser moins de problème que celui d’un bœuf. Des précautions doivent être appliquées pour la sécurité du maréchal-ferrant et de l’animal.

Action de ferrer.

L’action de ferrer consiste à adapter des fers d’une manière fixe aux onglons des grands ruminants. Le bœuf est un animal qui se prête moins facilement à l’exécution de cette pratique que le cheval ; aussi est-on obligé de l’assujettir avant de procéder à cette opération. Il y a deux moyens qui servent à contenir ces animaux : le premier sans travail, le second avec travail

But

Le but de la ferrure sur l’espèce bovine est de préserver l’usure de la corne qui constitue ses onglons. Dans certains cas, elle peut concourir à la guérison de quelques maladies du pied, mais elle sert rarement à remédier aux défauts de l’aplomb.

L’usure est parfois si grande, qu’on a vu des bœufs, en troupeaux, par suite des marches forcées, avoir les chairs des pieds à nu, meurtries et déchirées quelquefois jusqu’aux os. Cela se produit d’autant plus vite, que la corne de la sole est peu épaisse et que ces animaux marchent avec lenteur.

Le ferrage des vaches ou des bœufs
PRATIQUE DE LA FERRURE. INSTRUMENTS.

 

Pour pratiquer la ferrure du bœuf, il faut d’abord forger les fers, les étamper et les ajuster. Pour cela, il faut un atelier avec sa forge et les instruments nécessaires à la préparation du fer.

Mais souvent sont utilisés par les maréchaux ferrant des forges amovibles les fers étant déjà préalablement confectionnés

C’est le même atelier que celui qui sert pour la ferrure des chevaux ; c’est à la même forge et avec tout ce qui en dépend qu’on fabrique ces fers. On se sert des mêmes marteaux, ciseaux, poinçons, tenailles, etc. Cependant beaucoup de maréchaux, et nous serions de ce nombre, préfèrent, au ferretier, le marteau à main et à panne, dit traverse. L’étampe doit être un peu plus grosse que celle du cheval, par suite de la moindre épaisseur du fer, ce qui fait qu’elle ne peut s’enfoncer aussi profondément, et cependant les étampures doivent être assez évasées pour bien loger la tête du clou. Le combustible employé est la houille grasse. Le fer est le même que celui qui sert à forger les fers des solipèdes ; on doit choisir celui qu’on nomme fer fort, fer doux, fer ductile, etc. ; il se laisse plus facilement travailler. Il est divisé en barres qu’on appelle fer mi-plat, fer maréchal. D’autres fois, les barres sont moitié moins épaisses, mais plus larges du double ; elles sont fendues par leur milieu suivant leur longueur et servent à forger les petits fers. On se sert très rarement du vieux fer.

Description du fer. Le fer du bœuf consiste en une plaque en métal ayant évidemment la forme de la face inférieure de l’onglon à laquelle il doit être adapté. Il offre à considérer : la pince, la mamelle, le quartier et le talon.

La pince est la partie la plus antérieure de la plaque, c’est elle qui quelquefois porte la languette. La mamelle vient immédiatement après ; elle est située entre la pince et le quartier. Le quartier correspond à la partie la plus large du fer, c’est-à-dire vers les dernières étampures. Le talon est la partie la plus postérieure de la plaque et présente deux angles, l’un externe et l’autre interne. L’externe est plus prolongé an arrière que l’interne, par suite de l’obliquité que présente le talon.

Les faces, au nombre de deux, sont : la supérieure sur laquelle doit reposer le contour externe ou la paroi de la face inférieure de l’onglon ; l’autre inférieure portant les étampures et destinée à se poser sur le sol.

Pour fixer les fers il faut aussi des clous

. Les clous doivent être moins forts que ceux du cheval. La tête doit être petite pour qu’elle soit bien enchâssée dans l’étampure, afin de prévenir la cassure du clou au collet. La lame doit être mince, fine, par suite du peu d’épaisseur de la paroi de l’onglon, et présenter assez de rigidité et de souplesse pour bien s’implanter ; les variétés sont peu nombreuses, il y en a de petits, de moyens et de grands. Leur affilure se fait à la manière ordinaire.

Instruments de ferrure. Les instruments employés pour ferrer le bœuf sont les mêmes que ceux qui servent pour le cheval. Ils comprennent le brochoir, le boutoir, les tricoises, le rogne-pied, la râpe et le repoussoir ;

Le ferrage des vaches ou des bœufs

Merci Marie Claire Tixier pour la photo.

Jean, voici une photo prise à Chalus (63), le village de mes ancêtres du côté maternel, devant chez des cousins en 1952 …
Le ferrage des vaches ou des bœufs

Technique de Ferrage

Enlever le vieux fer. — Parer le pied.

La première chose à faire si le bœuf porte un fer à son pied, c’est de l’enlever. Pour cela, les rivets étant détachés au moyen du rogne-pied et du brochoir, on saisit l’angle interne du talon du fer avec les tricoises et par un mouvement de bascule les clous les plus postérieurs sont déplacés. On les sort un à un ; s’il est nécessaire, on y revient avec les tricoises. D’un seul coup, ces dernières peuvent enlever le fer et les clous, la corne n’étant pas aussi fragile que chez le cheval ; cependant, il vaut mieux agir comme nous l’avons dit. Lorsque la corne des pieds est de mauvaise nature, aussitôt les rivets détachés, on fait sortir la tête de chaque clou hors de son étampure avec le rogne pied et le brochoir. C’est une très bonne précaution qu’on devrait toujours suivre. Il ne faut pas laisser de lames de clous dans la corne contre lesquelles le boutoir peut s’ébrécher.

Le fer enlevé, ou bien le bœuf n’en portant pas, on est prêt à parer le pied. Les bœufs qui travaillent constamment et qui sont très souvent ferrés, n’ont pas beaucoup de corne à abattre. On doit parer le pied d’une manière horizontale, n’enlever que l’excédant de la corne et en laisser toujours assez pour protéger les tissus sous solaires. La paroi doit dépasser de quelque peu le niveau de la sole. On doit parer en obliquité du côté du talon. En décrivant la cisaille, propre à raccourcir les onglons très longs, nous avons indiqué comment on en faisait usage ; on termine, s’il le faut, par quelques coups de boutoir.

Fixation du fer.

Que l’on replace les vieux fers ou que l’on en mette de neufs, on suit le même procédé pour les fixer. Seulement, si c’est un fer vieux, il a été choisi et va bien au pied ; dans quelques cas, son ajustement peut s’être dérangée, il suffit de la refaire. S’ils sont neufs, on a dû les préparer avant de mettre l’animal au travail. Un bon maréchal doit toujours en avoir un grand nombre de prêts pour choisir ceux qui iront bien à l’animal. Le fer étant choisi et s’adaptant bien à l’onglon, on broche les clous à la manière ordinaire. Il ne faut pas prendre trop d’épaisseur, ni brocher trop haut,  vu la mince couche de corne constituant la paroi et la tendance qu’ont les clous à se rapprocher du vif par suite de la dureté de la couche corticale, qui devient un obstacle à leur sortie au-dehors.  Certains maréchaux, par suite de la dureté de la corne, tracent le passage du clou avec une alène ; nous pensons qu’on peut se dispenser de cette action préliminaire. Les clous brochés, on coupe les pointes et on rive. Cela exécuté on fait, à petits coups de brochoir en s’aidant d’une branche des tricoises sur laquelle on frappe, coller le pinçon du milieu du fer contre la paroi interne de l’onglon. Si le fer est pourvu de languette, on la rabat sur l’onglon au moyen du brochoir. Quelquefois cependant quelques petits coups du brochoir sont utiles sur le talon du fer pour le faire mieux porter.

C’est exactement le même procédé qu’on suit pour placer un fer à l’onglon interne. Seulement, il ne faut pas qu’il dépasse la paroi, dans la crainte que l’animal se coupe. Très souvent, pour obvier à cet inconvénient, on donne un coup de lime sur toute l’arête inférieure du bord externe du fer et surtout vers l’angle externe, car c’est lui, le plus souvent, qui blesse l’autre membre. Enfin, on laisse les rivets plus courts, on les grave mieux dans la corne et on donne même un coup de râpe dans la même intention. Outre cet usage, la râpe est peu employée pour cette ferrure. Si l’on est deux pour ferrer, c’est le même procédé ; on ferre deux pieds en diagonale chaque fois ; quand on a terminé, on détache les quatre pieds, on baisse le treuil, on ôte les sangles et le bœuf est sorti du travail.

Le ferrage des vaches ou des bœufs
Le ferrage des vaches ou des bœufs

Description d’un métier à ferrer

 

Tout d’abord en Auvergne il en existe plusieurs sorte j’ai pu voir bien sur les plus fréquents en bois avec toiture comme celui décris ci dessous mais vers Saugues il y en avec des montants en pierre ,d’autre entièrement métallique.

Métiers à ferrer ou Travail

Le travail a par lui-même un grand avantage sur les autres procédés, c’est d’abord de fixer les animaux d’une manière très solide, puis d’être plus expéditif pour pratiquer la ferrure. En effet, en raison des conditions dans lesquelles les animaux y sont placés, on n’a presque rien à craindre pour soi, ni pour les aides et on peut agir avec beaucoup plus de sûreté. Avec le travail Desaybats surtout, où les animaux sont soutenus par les sangles, on peut ferrer deux pieds à la fois, un membre antérieur gauche et le droit postérieur par exemple, s’il y a deux maréchaux, et cela sans aide, les pieds se trouvant fixés solidement. Enfin, il y a un très grand avantage pour celui qui ferre et pour l’aide, c’est de n’être que très rarement atteint ou blessé par l’animal, pendant qu’il cherche à se défendre. On prend beaucoup moins de peine ; il faut moins de force, au lieu de quatre ou trois aides, un seul suffit et à la rigueur on peut s’en dispenser. Cependant avec le travail spécial aux bêtes à cornes, un aide est presque indispensable, surtout pour les pieds antérieurs quand ils sont fixés à l’anneau des branches ; car il faut les porter en dehors, tandis qu’on pousse le genou en dedans pour favoriser celui qui ferre. Enfin le travail Desaybats a encore un autre avantage sur ce dernier, c’est de pouvoir ferrer deux pieds à la fois et d’être apte à recevoir et à maintenir des animaux de taille différente..

Si quelques exemplaires sont constitués, ainsi que l’évoque l’étymologie du mot travail, de trois pieux comme celui de Roissard, la majorité semble posséder quatre poutres verticales. L’assemblage du bâti relève de la technique de la charpenterie pour ce qui est des travails à ferrer avec montants en bois. Une variante est observée dans le cas de ceux à montants de pierre.

La section de ces pieux est bien entendu importante, de même que le bois utilisé est sans doute toujours du chêne pour ses qualités de dureté et de résistance à la torsion, aux intempéries, aux insectes et aux champignons. Ces poutres verticales sont très solidement fixées dans le sol et réunies à leur extrémité supérieure, l’une à l’autre, par quatre autres pièces de bois (solives) parfois de section légèrement inférieure. Chaque angle ainsi formé par une pièce verticale et une pièce horizontale est renforcé par l’assemblage d’un gousset, dans le but de parfaitement solidariser les parties principales de ce bâti..

Les deux piliers avant de cette sorte de portique sont munis chacun à environ 50 cm du sol d’une sorte de barre de métal ou de court chevron en bois ou encore de marche destinée à l’appui des pattes avant de l’animal.

Certains travails édifiés à l’extérieur sont couverts d’un toit (oblique à une seule pente dans le cas de travail accolé à un mur voisin, en bâtière, donc à deux pans, pour un travail indépendant et isolé de toute construction proche). Les quatre gros pieux verticaux du bâti sont alors les porteurs directs du toit.

Parties mobiles
Parties mobiles en matériau rigide
  • parties rotatives, faisant fonction de treuil
  • parties amovibles, basculantes ou pivotantes
Parties mobiles en matériau souple
  • lanières et sangles
  • ventrières

 

 

Ci dessous quelques métiers parmi la centaine que j’ai eu le plaisir de photographier et qui sont préservés dans nos villages d’Auvergne.

Le ferrage des vaches ou des bœufs
Le ferrage des vaches ou des bœufs
Le ferrage des vaches ou des bœufs
Le ferrage des vaches ou des bœufs
Le ferrage des vaches ou des bœufs
Le ferrage des vaches ou des bœufs
Le ferrage des vaches ou des bœufs

Philippe Kuhlkmann le travail avec les boeufs et l’agriculture de montagne, vidéos du site Sàmmle

 rencontres 2016 alsace 31 ok

Voici de beaux documentaires sur Philippe Kuhlmann, sa manière de travailler, ses techniques, son parcours, ses motivations et ses engagements. A ne pas louper et à voir en totalité.

Ces vidéos sont issues du site Sàmmle à retrouver en cliquant ici et ici.

« Des paysans de la Vallée de Munster, Philippe Kuhlmann se distingue par une grande originalité, en particulier le travail qu’il réalise avec les bœufs. Autodidacte, il a appris en fréquentant les anciens. Très respectueux de la nature, il fait les foins, travail avec le bois, vend de la viande, élève et dresse des animaux. Ses journées sont longues et il ne se plaint jamais d’en faire trop, selon la devise : « un travail repose de l’autre ». De l’étonnante séquence du débroussaillage des fougères avec deux bœufs, en passant par les explications techniques de séchage du foin, apprendre de Philippe Kuhlmann est passionnant, avec de surcroit quelques belles confidences sur sa philosophie de vie.

Réalisation : Jean-Christophe Schreiber
Entretien : Gérard Leser
Production CTAI & OLCA – 2013″

 

Le travail avec les boeufs:

 

La vie de paysan de montagne:

 

Débrousaillage d’un pré de fougères par traction bovine:

Chargement et déchargement du foin:

Fauchage et travail du foin au sol:

Assemblage d’un ballot de foin pour transport à dos d’homme:

Harnachement pour traction bovine et démonstration des ordres :

La vie rurale dans un village des Pyrénées vers 1950, fabrication des fers à vache et ferrage

ferrage 1950 ciné toulouse

Dans les années 50 un jeune médecin, Jean Seran, a entrepris un film sur la vie quotidienne dans un village des Pyrénées Centrales, Fos. Ce village est situé dans la haute vallée de la Garonne, à la limite de la frontière espagnole. Les prises de vue, réalisées en 9,5 millimètres, sont devenues un précieux témoignage sur la vie rurale d’autrefois, dans un pays de montagne, quand le travail de la terre se faisait à la main et qu’on attelait encore les vaches. Dans les années 80, Jean Seran a autorisé la Cinémathèque de Toulouse à tirer en 16 mm, avec le soutien de la Région, un certain nombre de séquences et à les monter dans un esprit ethnographique. Ceci est un extrait décrivant le ferrage des vaches.

  • Réalisateur/Auteur : Seran, Jean
  • Année : Années 1950
  • Type de document : Film
  • Durée 00:04:31
  • Description matérielle : 16mm
  • Son : Muet
  • Procédé image : N&B
  • Durée totale du film 00:82:00
  • Montage réalisé en 1985
  • Lieu de conservation La Cinémathèque de Toulouse

Détail disponible sur le site « Mémoire filmique Pyrénées Méditéranée » en cliquant ici.

Enquête du Musée de la Vie wallonne, Belgique

Enquête du Musée de la Vie wallonne (Cliquez ici pour voir) consacrée aux attelages de bœufs, devenus très rare en Ardenne.

L’attelage des bœufs au joug double à Moinet (1948)

Ici, la pose du joug double (« dobe djeû ») dans le village de Moinet (Longvilly), en 1948, chez le cultivateur Guébel.

L’attelage du bœuf au joug simple à Jalhay (1947)

Ici, le dernier boeuf attelé au joug simple traditionnel dans le village de Jalhay, en 1947.

Le labour avec un bœuf attelé au joug à Odeigne (1950)

Enquête du Musée de la Vie wallonne  consacrée au labour d’un champ chez M. Dehalleux avec le dernier bœuf de la région encore attelé au joug, à Odeigne en 1950.

Attelages et véhicules pour la fenaison en Ardenne

Prise de vues montrant trois types d’attelage et de véhicules agricoles utilisés en Ardenne pour la fenaison (lieu et date indéterminés) : un râteau faneur à traction chevaline, puis un tracteur suivi d’un bœuf attelé, tirant chacun un char à foin.

La race Vosgienne, film de Patricia et Didier Ladry réalisé aux rencontres de bouviers à l’écomusée d’Alsace en 2017

Les enfants de « l’outil en main » découvre l’attelage de boeufs et le dariolage avec Joël Avril et Michel Turpault, article de Francis Bremaud, vendée (85)

dsc01351_1600x1065-557e0

Photo extraite de l’article

Article extrait de site « L’outil en main » paru en avril 2017

L’association « DARIOLAGE AU PAYS DE LA CHATAIGNERAIE » a pour objectif de faire connaître une technique ancestrale, un savoir faire unique. Son Président, Michel TURPAULT, a pensé que les enfants de l’Outil en Main, avides de curiosité, pouvaient être intéressés par une démonstration grandeur réelle.
Anna, la référente des Parents, sollicite donc ceux-ci qui se rendent sur les lieux de l’exercice ce samedi 8 avril 2017, période de vacances scolaires.
C’est tout simple : darioler consiste à encourager en chantant les bœufs dans les travaux des champs. En s’adressant ainsi à ses bêtes par des variations d’intonation et des inflexions vocales personnalisées, le paysan indique la direction et le rythme à suivre pendant le travail du labour.
Les enfants ont participé à l’attelage des boeufs à la charette. Ils ont pu, sous la conduite de Michel Turpault et Joël Avril, les guider avec l’aiguillon dans le village.
Ensuite, des paysans, derniers témoins de ces chants ancestraux ayant dariolé dans leur jeunesse (Henri et Guy), entonnèrent le chant du dariolage.
Merci à cette association qui permet ce beau travail de mémoire et de transmission qui se fait entre anciennes et nouvelles générations contribuant ainsi à la pérénnité du patrimoine matériel et immatériel.

dsc01368_1600x1065-2-ac8ca

Sortie du livre « André Grimont, le dernier galvacher » meneur de boeufs du Morvan

galvachers p berte langereau 8 ok

Hommage à l’homme des bois et des boeufs : André Grimont

André avait écrit sur un petit cahier d’écolier pour raconter simplement sa vie. Pour prolonger cet écrit nous nous sommes entretenus avec André, tous les mardis pendant 6 mois, en accompagnant son souci opiniâtre de transmettre l’expérience de la galvache de ses pères et grand-pères qui partaient pour transporter les grosses grumes, raconter son enfance de galvache, puis son travail de débardeur avec les boeufs dans les bois d’Anost et sur les territoires environnants.

Il raconte les faits, les savoirs pratiques. Il met à plat la légende de la galvache, pour ce qu’il a connu, lui, vraiment, à cette époque. Et quand il se dit « le der des ders », c’est qu’il veut nous transmettre concrètement à quel point nous avons basculé dans un autre monde depuis les années 50.

Homme de parole, il nous livre un livre parlé. J’ai voulu respecter d’abord sa parole, et tenir parole en confectionnant son livre, avec ses écrits,ses images et ses paroles mêlées, écoutons-le :« mon père à la fin comme beaucoup d’autres il faisait les deux, culture et charroi, moi aussi à la fin, le débardage et un peu de culture. C’était pas la joie à l’époque, c’était la vie de beaucoup de Morvandiaux, les gens de campagne, ils vivotaient avec 3 vaches, 2 cochons, la poulaille, et pis les boeufs en charroi. Ils avaient rien mais ils partageaient plus. On était enraciné là-dedans, on était lié de père en fils, et on continuait dans la galvache et pis le débardage. Ah ! Y en a plus pour expliquer ça, y en a qui ont tout oublié, ils peuvent rien dire ! »« Dapouace-toé qu’i voit le livre » qu’il me disait, « ne tarde pas. trop » Il est« parti » en voyage pour la dernière fois le premier novembre 2017.

Il n’a pas pu voir le livre tout à fait accompli que vous pouvez lire à présent. Juste un hommage discret à sa mémoire vivante.

Jean-Pierre Renault

andré grimont 1 ok

édition Maison du patrimoine orale de Bourgogne (Cliquez ici)– Diffusion Vents du Morvan (Cliquez ici) avec le soutien Mairie d’Anost.

Pour le commander cliquez ici.

galvachers p berte langereau 2 ok

Hommage de Frédéric Iehlé à René Alibert jougtier à Laissac (12)

alibert iehlé 1 ok

Frédéric Iehlé nous communique ce texte suite à la disparition de René Alibert. Nous le remercions pour sa communication.

_________________

C’est difficile de s’exprimer sur la disparition d’un dernier ou d’un des derniers surtout lorsqu’on l’a rencontré, lui a serré la main, l’a regardé travaillé et eu recours à lui comme à une sorte d’expert dans une activité sans réel futur et cantonné à un cercle très restreint.

Cela a été mon cas il y a sept ou huit ans, je n’ai pas la date exacte.

A deux reprises je suis descendu de ma Haute-Normandie en Aveyron une première fois pour faire l’acquisition de deux jougs neufs après avoir abandonné l’idée d’utiliser des jougs ‘de brocante’, puis une seconde fois pour l’ajustement que je n’arrivais pas à faire seul.

C’est lors de ce second voyage que j’ai découvert M. René Alibert.

Après plusieurs discussions téléphoniques et échanges de courrier avec photos, j’ai du me rendre à l’évidence que je ne pourrais ajuster seul le joug sur un de mes bœufs bretons qui avait un cornage pour le moins particulier comme Monsieux Alibert le reconnut en le voyant.

Alors une nuit de juin, j’ai chargé mes deux Bretons pie-noire dans le van à deux heures du matin et nous sommes descendus chez «René» qui avait tout préparé.

Ce fut tout de même une expédition!! avec un arrêt forcé sur un terrain de football vers Riom car les bœufs s’étaient détachés et retournés dans le van prêts à sortir car souffrant de la chaleur. Mais après un peu de marche et de bouses sur le terrain, tout était rentré dans l’ordre et nous avons repris l’autoroute pour Laissac. Cela l’avait bien fait rire.

Nous avons passé deux jours sur place dans une étable prêtée pour l’occasion à sa demande, avec une tonne à eau à disposition, du foin et l’autorisation pour moi de coucher dans l’étable.

Une matinée fut nécessaire pour ajuster le joug, adapter le liage et le coussin  et finalement entendre un refus sans appel  de la part de «René» « Non ce n’est pas la peine, c’est bon » qui répondait à ma demande de dernier test suite à sa correction finale du joug!

Il est venu me dire au revoir le soir après avoir repiqué un cent de salades pour ses poulets ce qui leur donnait un goût délicieux au vu du geste qu’il fit en regoupant ses doigts devant sa bouche. Nous avons encore parlé bœufs, puis il est rentré et moi je suis reparti vers le Nord quelques heures plus tard de très bonne heure le lendemain matin.

Ce qui m’a frappé chez «René» c’est qu’il y avait toujours quelqu’un pour répondre, voire prévenir ses demandes. Beaucoup sont venus voir mes bœufs mais beaucoup étaient là pour lui, pour faire ce qu’il ne pouvait pas faire, le soutenir. Il était entouré et aidé d’une façon presque naturelle comme si cela lui était du par respect pour ce qu’il était ou représentait et surtout,  je pense, avait vécu et savait faire.

L’entourage et l’aide que beaucoup lui donnait plus que volontiers m’a impressionné.

«Se plier en quatre» n’a jamais eu autant de signification pour le soutien dont il bénéficiait. «René» était réellement très entouré.

Je me souviens aussi du plaisir des contacts qu’il m’avait dit avoir avec les gamins de l’école proche de sa maison.

Je voudrais dire ici à sa sœur, à tout cet entourage dont il a bénéficié et que j’ai pu rencontré combien j’ai apprécié de rencontrer Monsieur Alibert ainsi qu’eux mêmes.

Aujourd’hui, il me reste deux jougs signés qui font merveille comme peuvent en témoigner ces photos avec mes deux Normands et qui me semblent être le meilleur hommage que je puisse faire à «René».

Frédéric Iehlé

alibert iehlé 2 ok

René Alibert, dernier jougtier professionnel d’Occitanie, a rejoint ses aïeux par Lionel Rouanet (article enrichi)

rené alibert portrait ok ok. jougtier professionnel

René nous a quittés le vendredi 25 Août, à l’âge de 90 ans. Depuis un peu plus d’un mois auparavant, il avait vu son état général se dégrader rapidement.

Fils d’un jougtier professionnel, après avoir passé trois ans complets comme « valet », employé agricole dans une grande ferme du Lévezou (Monts séparant, à l’Est, le Nord du Sud du département de l’Aveyron), il prit à 18 ans, le chemin au côté de son père, jougtier de métier, à temps plein.

C’était une chose peu courante, que d’être jougtier de cette façon dans ce pays-là (au sens petite région). Jougtier dans l’Aveyron, c’était plutôt une activité complémentaire pour de nombreux petits paysans ou artisans du bois. Marius, de son prénom d’usage, le père de René, était vraisemblablement le seul dans sa profession, déclaré à la chambre des métiers en ce temps-là.

René débuta donc l’apprentissage de ce métier itinérant avec son père, ce qui donna à ce dernier l’occasion d’agrandir sa tournée et entre autres de monter travailler sur l’Aubrac aux alentours de Laguiole, connue pour son fromage. Dois-je préciser ? Pour y aller, sur l’Aubrac, point d’automobile, le trajet se faisait à bicyclette. Inutile de dire qu’il ne fallait pas y aller pour trois clients ! Ils partaient pour la semaine, parfois deux. Il fallait compter quasiment une journée de trajet aller et autant pour le retour, encore que dans ce cas, ça descendait. Là-haut, ils dormaient dans les fermes, c’était ainsi coutume : les jougtiers étaient nourris et logés. Bien nourris même ! La maîtresse des lieux, tenait à ce que la réputation de la maison soit bonne. Lorsque la tournée était aux alentours de Laissac, ils rentraient chaque soir, ce qui laissait du temps pour s’occuper d’un jardin, de la volaille et même d’un ou deux cochons selon les années.

Dès que René commença à être un peu autonome, son père qui néanmoins l’accompagnait toujours, le laissait chez un client le matin, l’aidait à commencer le travail, puis partait, pour lui aussi, faire un joug de son côté, chez un paysan des alentours. En fin d’après-midi, son travail fini, le père repassait chez le premier client pour retrouver son fils et l’aider à terminer, en vérifiant que le travail, sur mesure, convenait bien. Car, oui, dans ce pays comme dans beaucoup d’autres cela dit, un joug, c’était du sur mesure ! Dans l’Aveyron particulièrement quand même. Il fallait qu’elles présentent bien, les bêtes, au joug ! Surtout les bœufs, sas qué1 (m’aurait dit René) dans les grandes fermes, ils faisaient la fierté des bouïèrs2. C’était à qui avait une paire dont les cornes se croisaient le plus élégamment au-dessus du timon ! Dans les petites fermes, on joignait plutôt des vaches. Il fallait que ça puisse travailler, ça oui ! Mais après, l’esthétique ne primait pas toujours autant.

 

Et donc, quand le père retournait trouver son apprenti, il pouvait le conseiller pour la phase délicate qu’est l’ajustement final. Puis : « le trou paye » se disait-il. C’est-à-dire le trou du passage de la méjane3. C’était la dernière étape, ou plutôt l’avant-dernière, car avant de recevoir la paye, tout jougtier à l’activité suffisamment conséquente, signait son travail par un coup de poinçon dans le bois encore tendre.

 rené alibert 3 ok

Poinçon de René Alibert

rené alibert 2 ok

Poinçon de Joseph-Marius Alibert son père

Encore tendre, vous exclamez-vous peut-être ? Et oui, bien sûr ! Un joug, du moins les jougs de ce genre-là, ne sont pas faits en bois sec. Qui a déjà tenu une hache, sait bien qu’elle ne rentre pas de la même manière dans du bois vert ou du bois sec. Il n’y a pas que cette raison, mais ce n’est pas spécialement le propos ici et j’ai déjà écrit assez en détail sur le sujet (article  sur le blog, ou Sabot n°71). Je rajoute néanmoins que si le bois était tendre, c’est qu’il provenait donc d’un arbre tout fraîchement abattu, parfois le matin même, ou alors d’un morceau réservé spécialement à cet effet, espérant le jougtier dans le bassin ou la mare de la ferme.

Fréquemment, l’été notamment, le joug terminé, ce n’était pas pour autant fini. Il fallait le « flambusquer ». Chose pour laquelle le paysan pouvait éventuellement se débrouiller tout seul. Cela consistait à cuire le joug sur un feu vif, très rapidement mais très intensément. Il avait au préalable été enduit de gras, traditionnellement du lard de cochon, puis plus tard avec … de l’huile de vidange. Cette opération permettait à l’eau contenue dans le bois de s’en aller, sans que le joug n’éclate, car une pellicule protectrice se formait par la combinaison du gras, de la chaleur et du noir de fumée. Cela durcissait aussi le joug, et en le fumant, devait participer à le rendre inappétant pour les insectes xylophages que nous appelons dans le sud plus simplement et génériquement « cussous ». Ce devait être une forme de garantie multi-décennale. Car le bois, s’il avait trempé assez longuement avant d’être mis en forme, s’était lavé de sa sève. Celle-ci contenant amidons et autres matières sucrées, il perdait ainsi quasiment tout son intérêt pour les insectes à tarière.

Pour René, arrivèrent vite les vingt ans et l’appel sous les drapeaux. Après un service dans la musique, comme clairon, René regagna son Aveyron et repris le travail au côté de son père, mais très vite il fut complètement autonome. Ils continuèrent à faire tournée ensemble mais le père gagnait la tranquillité de n’avoir plus à repasser chaque soir valider le travail de son fils. L’achat, pour chacun d’eux, d’une petite moto Terrot, leur permit d’agrandir encore un peu la tournée, mais pour une courte durée ! Ils n’étaient pas les seuls à investir dans ce genre d’engins, dernière génération des « machines à feu » comme on les appelle parfois en histoire des techniques. Leurs lourds ancêtres fumants, les locomobiles, non pas encore goulues d’essence mais d’eau et de bois, avaient déjà investi les campagnes depuis quelques décennies, depuis grosso modo le retour de la soit disant Der des Der pour ce qui est de l’Aveyron. Ces locomobiles, rarement automobiles ou routières comme on disait, avaient eu l’obligeance de garder du travail pour tout le monde, les femmes, les hommes, et les bêtes. Et oui, les femmes, on les oublie souvent. C’est qu’ils ne mangeaient pas qu’un peu les hommes pendant les dépiquages ! C’était du travail, d’une part, mais c’était aussi la fête, la joie de fin des sègas4, dans l’entraide ! Mardi chez Gustou, mercredi chez l’Achille. Enfin, pour en revenir aux bêtes, qui elles aussi avaient du travail, j’en passe par les petites : ces jours-là, ce n’était pas la fête pour la volaille ou les lapins ! Et les grosses donc, elles attrapaient souvent quelques braves suzades5. Il fallait les tirer ces monstres-là de locos, tout d’acier et de fonte, avec aussi un peu de laiton qui les embellissait ! « De cuivre » comme disent les mamies. Il faut dire que les bœufs, tirer des trucs pareils par les travers de ce pays-là, « ils s’en plaisaient mieux » que les chevaux. Ces derniers, s’il faut maintenir la traction d’une lourde charge à l’arrêt dans une montée, puis repartir, ça ne leur convient guère. Les petites locos pesaient déjà souvent 4 tonnes à vide, les batteuses n’étaient pas franchement plus légères ! Et puis les bœufs, ou les vaches, tout le monde en avait. Et s’il était trop difficile de passer tel rampaliou6, on allait chercher les bêtes d’Emile « per far prodel 7».

Enfin, tout ça pour dire que les motos, c’était bien-sûr le début de la fin. Si les jougtiers pouvaient se payer une moto, c’est parce que les paysans pouvaient se payer un tracteur, et/ou étaient incités à le faire. C’est vrai que si on se remet dans le contexte : vous vendez une paire de bœufs et vous pouvez acheter un tracteur tout neuf, tout fraîchement arrivé d’outre atlantique, ça fait réfléchir. En tout cas, ça fait moderne et en cette période d’après-guerre, on peut comprendre qu’il y avait besoin de renouveau. Donc bœuf, vaches, chevaux et autres mules furent rapidement débauchés par la croissance fulgurante de l’ère motorisée. Seuls quelques vieux « oritsinaux », (prononciation locale : originaux, marginaux) ne voulurent pas entendre parler de cette filiation des chars d’assaut qui n’ont pas vraiment la même odeur que le bétail ; ne « caguent8 » pas des bouses, mais de l’huile ; ne mangent pas de l’herbe, mais boivent un liquide à l’odeur douteuse ; ne vous font pas un veau par an (que vous pouvez vendre au foirail), mais vous coûtent des pièces détachées. Ces rares rebelles, peut-être par bêtise ou pensées arriéristes, mais aussi et certainement par philosophie et poésie, laissèrent quelques petites années de sursis à Marius (le père). Cependant, il n’y avait plus de travail pour deux et René dut poser et remiser la piasso9 et lou capaïssol10 : la hache et l’herminette.

 rené alibert 6 ok

Hache de jougtier au fer plus long et plus ouvert

rené alibert 4 ok

Modèle « commun » de hache, courant chez tous les artisans du bois

rené alibert 5 ok

 Herminette spécifique de jougtier à fer double et à manche très court

Il resta néanmoins « dans le bois », mais ses copeaux changèrent de forme, ainsi que d’odeur ! Après une courte période à fabriquer des coffrages sur chantier durant laquelle il trouva que l’ardeur de ses collègues à arroser les fins de journées en rentrant du boulot n’était pas potentiellement propice à vieillir vieux et en bonne santé, il atterrit à la maison Balard à Rodez. Là, jusqu’à la fin de sa carrière il fut chef d’équipe à la parqueterie et je pense que personne n’eut à se plaindre de son travail ou de ses services.

Une fois à la retraite, il dépoussiéra les outils manuels. Des jougs neufs se remirent à naître de ses mains, assurant la relève de ceux qui depuis trop longtemps dans l’attente d’un peu de soleil juché sur un chignon d’Aubrac, avaient vu leur fonctionnalité altérée par les « cussous ».

Chez lui, à Laissac, dans le Nord Aveyron, entre Monts du Lévezou et Causse, René n’était pas seulement connu pour ses jougs. Infatigable, il était très apprécié de tous pour son implication bénévole dans différents domaines. Il fut musicien à la « clique », pompier, avait participé à la vie d’un musée local, aida tant qu’il le put le mardi matin au foirail … Mais surtout, René, c’était un jardinier, occupation qu’il garda jusqu’à ses derniers jours de validité. Et pourtant, il ne jardinait pas vraiment pour lui. Il jardinait pour la famille, les amis et les voisins mais aussi pour ses poules et lapins. Ces derniers mangeaient très certainement une nourriture de bien meilleure qualité que nombre de personnes entassées dans les grandes villes. Les légumes, lui, suite à des ennuis de santé, il y avait plus de vingt ans qu’il ne pouvait plus trop en manger.

Pour ma part, René était déjà sur ses vieux jours lorsque je le rencontrai. C’était durant l’automne 2009, il avait 82 ans, de l’énergie dans les bras et de la souplesse dans les jambes. Je passai alors le voir pour faire sa connaissance suite à un bref coup de téléphone. J’y passai par l’intérêt que je porte aux savoir-faire manuels anciens, par curiosité, et sur conseil d’un ami, paysan de montagne en Ariège, alors dresseur de mules, chevaux, et bœufs : Olivier Courthiade. Il m’avait dit « Vas-y, c’est le dernier ». Il exagérait à peine ! Ainsi, dès mon passage suivant, une paire de mois après, je devins son apprenti. Le premier, d’une certaine manière, car un ou deux autres avaient eu essayé je crois, mais l’expérience avait été courte. (Un charpentier des environs, retraité, vint ensuite pour voir la méthodologie). Je pense que ce fut une forme de soulagement pour lui. En effet, je crois que s’il avait une crainte, c’était celle de partir un jour sans avoir transmis (même si le mot n’est pas particulièrement juste, car lorsqu’on transmet, on n’a plus soi-même) le savoir-faire qu’il tenait de son père. Ce savoir-faire que son père avait eu le temps de tant affiner durant la dizaine de milliers de jougs qu’il tailla dans sa vie. Un peu plus de 300 ans par an, soit un par jour ouvrable, pendant une trentaine d’années.

S’il continuait de tailler des jougs à un âge si avancé, on se doute qu’il ne faisait pas partie de ces vieux grincheux se plaignant : « Ouh, avant qu’est-ce qu’on a pu trimer, qu’est-ce que c’était dur, heureusement que c’est terminé tout ça ! » Certes, il ne niait pas cet état des choses qui avait pu en aigrir d’autres. Lui, néanmoins ne s’en plaignait pas, au contraire même, il rajoutait souvent : « c’était le bon temps ». Peut-être tout bêtement parce que c’était le temps de sa jeunesse ! Et qu’elle semble avoir été heureuse, malgré les difficultés qu’il ait pu rencontrer, comme tout le monde, notamment une, épineuse pour sa génération : la guerre. Je le cite encore, d’après un enregistrement lors d’un collectage d’anecdotes, il parle justement du temps d’avant ses 18 ans, pendant les années où il était valet de ferme :

– « Oh il y avait une bonne ambiance, on se tutoyait, c’était … pute ! [à considérer comme une virgule, comme une verbalisation de l’exclamation] C’était … quand il y avait un coup [d’activité] à donner, on le donnait, tout le monde donnait un coup et puis s’il y avait cinq minutes à prendre on les prenait. C’était la belle vie, enfin la belle vie en travaillant ! Mais c’était la belle vie. »

rené alibert 7 ok

L’explication de cette gaité, de cet enthousiasme, est peut-être la suivante : il savait que ce travail tantôt autonome, tantôt collectif, correspondait au niveau de vie qu’ils avaient. Et puis, sortant de sa bouche, le mot travail n’avait pas tout à fait le sens habituel, qui dans notre civilisation de souche judéo-chrétienne, n’a toujours pas vraiment perdu le sens de ses origines latines, à savoir : tripalium. Pour lui, le travail, c’était l’occupation qui permet de vivre, simplement. L’Œuvre en fait ; que ce soit cultiver la terre, récolter, soigner lapins et volailles, transformer, bricoler … et bien sûr tailler des jougs. Chose qu’il fit, si je ne me trompe pas, jusqu’à l’hiver où il fêta ses 88 ans. Il avait encore la souplesse et la force juste nécessaires, la technique faisait le reste.

René avait un sourire joyeux. Néanmoins, ces dernières années, une forme de tristesse le gagnait parfois. Lui qui aimait tant la nature, répétait souvent : « on est allé trop loin, on a trop abimé de choses, y a qu’à voir … »

Une partie de ses gestes a été archivée par un film documentaire de Gilles Charensol : Le bois : Gestes d’Artisans 

Le matin où j’appris la nouvelle par téléphone, Georgette, sa sœur, me dit qu’elle lui souhaitait un paradis entre autres plein de fleurs, car il les aimait beaucoup. En mon nom, et j’espère pouvoir dire au nom de tous les proches du milieu des bouviers et paysans, je lui souhaite de même.

Lionel Rouanet, son ultime apprenti.

 rené alibert fête de Laissac 2010

 Le 14 juillet à Laissac devant son présentoir lors d’une présentation/animation taille de joug

In Memoriam :
Comme je l’ai mentionné dans ce texte, une partie des gestes de René a été archivée dans un film de Gilles Charensol. Pour ma part, pendant plus de deux ans, suite à la partie pratique durant laquelle j’appris la fabrication des jougs, j’ai passé beaucoup de temps avec René pour discuter de son apprentissage avec son père et du mode de vie dans sa jeunesse.
J’ai pris des notes, puis enregistré les discussions que j’ai ensuite écrites. Je pensais au début faire un article pour un magazine spécialisé tel que celui-ci, le blog de Michel ou pour la presse locale, mais très vite, j’ai eu beaucoup trop d’infos, de pages. Alors, j’ai continué, en me disant que je verrai bien … !
À ce jour, le texte issu de la mise en forme du collectage, comporte un peu plus de 230 pages au format 16×24. Quelques dessins et photos en niveaux de gris agrémentent le texte. Je pense en ajouter encore quelques autres, mais il me manque à les dessiner. Un cahier couleur, devrait aussi présenter quelques photos. Il y aura aussi sûrement quelques annexes, qu’il me faut terminer.
Pour diverses raisons, notamment professionnelles et de déménagement, voici un peu plus d’un an que j’avais ce projet au point mort. René me disait pourtant : « si tu veux que je le vois, dépêche-toi … » Hélas, ces injonctions seront restées vaines.
Tout cela verra peut-être le jour en 2018. Un partenariat d’édition se dessine …

1 sas que – sas qué – tu sais que … Expression bien typique, en occitan. Et même en français occitanisé !

2 boièr – bouïèr – bouvier

3 mejana – méjanò – méjane : forte courroie de cuir soutenant les rédoundes : anneaux de cuirs dans lesquels passe le timon.

4 sègas – sègòs – moissons (par endroits aussi : meissons – méissous)

5 brava suzada – brabò suzadò – brave suzade : bonne suée

6 rampalhon – rampaillou ou rampaliou – raidillon

7 per far prodel – pér fa proudél – pour faire proudel : c’est-à-dire utiliser le proudel, la chaîne de traction qui permettait de rajouter une paire devant la ou les autres. Par extension : venir aider à l’effort.

8 troisième personne du pluriel de : cagar – caga – caguer : déféquer

9 pi(g)assa – pigasso ou piasso – la hache

10 capaissòl – capaïssol – l’herminette

Joug de dressage à trois têtières et témoignage autour de l’attelage bovin en Sud-Périgord par Jeanine LEGAUT

 joug 3 tête janinie legault 1 ok

En même temps qu’un témoignage sur les attelages de boeufs et ses danger, Jeanine Legault nous communique de nombreuses photos sur un joug à trois têtes qu’utilisait son père. Merci à elle pour sa contribution.
—————————————————————————————————————-
« Mon enfance a été marquée par un accident très grave causé par un attelage de bœufs.
En 1954, j’avais sept ans. Mes parents étaient de petits  agriculteurs  du  Sud-Périgord. Dans  ce  temps-là, on  fauchait  les  fougères  sèches dans  les  bois  pour faire la litière dans l’étable. Ainsi cela économisait  la paille.
Pour charger un maximum, mon père avait fait réaliser un plateau sur deux roues basses en fer. Le ramassage terminé, ma mère passe devant  les bœufs pour les faire avancer et là, tout s’est enchaîné de façon catastrophique. Pour une raison inconnue, les bêtes foncèrent en tournant très vite autour d’un arbre contre lequel j’étais appuyée. Le  miracle voulut que je sois plus grande que la roue qui m’écrasa contre le  chêne: cinq jours de coma, de multiples fractures et un séjour de trois  mois à l’hôpital.
Les années qui suivirent, mon père préféra dresser des vaches et ce fut  l’époque de la BERMEE de race Garonnaise et CASTA au pelage clair. Toute la famille aimait ces deux-là pour leur force et leur docilité. C’est  donc avec CASTA et BERMEE que mon père soumettait une novice au  joug à trois têtières.
Dans mon souvenir, je les vois déambuler inlassablement dans notre  allée et les chemins.
Evidemment, au début, l’apprentie était rétive mais cernée par la forte  expérience de CASTA et BERMEE, la jeune vache apprenait vite…
Avec un joug simple, elle était destinée à tirer une sarcleuse dans la  petite vigne de ce temps-là ainsi que dans d’autres cultures. Je me souviens particulièrement des fourchées de foin bien sec et odorant, ramassées à la hâte avant l’orage menaçant. BERMEE et CASTA ramenaient la lourde charretée et, toutes fumantes sous les premières  gouttes, ne rataient pas la grande porte de la grange!
En relatant ces souvenirs, je voulais rendre hommage à mes parents et  à toute cette génération de modestes paysans de l’après-guerre, pour leur  courage et leur détermination.
Mon destin ne fut pas agricole si j’ose dire mais je suis très fière de mes  origines de fille de la terre Périgourdine! »
Jeanine Legault
joug 3 tête janinie legault 11 ok
joug 3 tête janinie legault 10 ok
joug 3 tête janinie legault 9 ok
joug 3 tête janinie legault 8 ok
joug 3 tête janinie legault 7 ok
joug 3 tête janinie legault 6 ok
joug 3 tête janinie legault 5 ok
joug 3 tête janinie legault 4 ok
joug 3 tête janinie legault 3 ok
joug 3 tête janinie legault 2 ok
1 3 4 5 11