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Les jougs et leurs accessoires en Charollais Brionnais

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 Contrairement aux chevaux et leurs harnachements complexes et couteux, le matériel d’attelage des bovins est beaucoup plus simple et limité.

Dans la région du Charollais Brionnais il se compose:

  • d’un joug
  • de deux anneaux d’attelage appelés « cordets »
  • d’un lien en cuir (ou en bois torsadé sur lui même) qui relie les cordets au joug. Ce lien est nommé « tsordzeure » en charollais (chargeouère en bourbonnais) on peut le traduire par: « qui prend la charge »
  • de liens longs qui solidarisent la tête des animaux au joug.

Les jougs:

On trouve en Charollais Brionnais deux types de jougs: 

Le joug découpé aux formes élégantes, esthétiques et travaillées

Les têtières comportent sur le dessus des passages de liens avec un rebord qui évite les ripages de liens éventuels.

Les passages de cornes à l’avant sont entaillés à la forme des cornes.

Des motifs de décoration ainsi que les initiales ou le nom du jougtier sont marqués au fer rouge à l’avant.

Les jougs sont la plupart du temps peints en bleu comme les chars ou les tombereaux.

Au centre on trouve deux ou trois trous pour le positionnement et le réglage de la tsordzeure.

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le joug droit est rudimentaire dans sa taille qui s’inscrit dans une section triangulaire. La forme se retrouve dans le morvan.

La face avant est parfaitement droite, il n’y a pas de logement entaillé pour les cornes. Les têtières n’ont pas de rebords pour retenir les liens à l’arrière.

On trouve en général qu’un seul trou de tsordzeure.

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Les jougs découpés sont les plus fréquemment rencontrés. On retrouve la même forme dans le Haut Beaujolais.

La plupart des jougs observés sont en hêtre ou en frêne. Nous en avons un en cormier. Les jougs en hêtre sont les plus légers. 

Ils étaient fabriqués par les charrons ou les sabotiers comme François Lamborot au vieux bourg de Dyo.

A Charolles la maison Michel / Clément fabriquait des jougs droits et découpés ainsi que tous les articles de boiselerie. Des jougs d’une forme différente étaient envoyés dans la loire.

On y trouvait aussi tout le nécessaire pour l’attelage bovin (liens, cordets, cordes)

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Les cordets:

Les cordets les plus simples à se procurer sont ceux fabriqués par soi-même avec, le plus souvent, des pousses de Chêne de trois ou quatre centimètres à la base torsadées sur elles- même et enroulées en anneau.

Ils peuvent servir sans se rompre quelques mois suivant l’intensité d’utilisation.

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 cordets en bois torsadé anciens (Colombier en Brionnais)

Les cordets en cuir torsadé (comme pour ceux en bois) ont une durée de vie bien plus longue. Bien entretenus ils peuvent servir plusieurs années. Ceux fabriqués en nerfs de boeuf ont encore plus de résistance. Ils sont parfois recouverts d’une gaine de cuir cousue.

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Pour réaliser un cordet à quatre tours (comme tous les anciens que nous avons rencontrés) il faut environ cinq mètres de lanière de cinq centimètres de large.

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cordets anciens en cuir (Colombier en Brionnais)

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noeud d’arrêt d’un cordet cuir ancien (Colombier en Brionnais)

Certaines régions utilisent des anneaux en fer forgé. Mais le système en cuir permet d’absorber les chocs transmis par le timon au joug amenant ainsi un confort appréciable pour les animaux.

La tsordzeure:

La tsordzeure peut être en cuir; elle ressemble alors à une grosse ceinture , ou en bois torsadé comme pour les cordets.

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tsordzeure  ancienne en bois torsadé sur son joug droit d’origine (Colombier en Brionnais)

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 tsordzeure neuve en cuir avec ses deux cordets utilisée à la Garaudaine

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timon, cordets, tsordzeure en situation

Les deux ou trois trous du joug où passent la tsordzeure sont un moyen de réglage lorsque l’un des deux animaux a tendance à être plus dynamique que l’autre.

Ainsi, on fait passer la tsordzeure dans le trou du côté de la bête la plus vive afin de la charger pour la freiner par la charge. De cette manière, les deux animaux progressent parallèlement.

Les liens:

En Charollais Brionnais on les appelle « layoures ».

La plupart des régions utilisent des liens uniquement en cuir (Auvergne) ou en cordes (Ain). En Charollais Brionnais, les liens sont mixtes, cuir et corde de chanvre.

Chaque partie fait deux mètres cinquante à trois mètres soit cinq à six mètres de liens.

Leur largeur varie entre deux et trois centimètres pour le cuir et généralement une section de dix à douze millimètres pour les cordes.

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Le raccord entre le cuir et la corde est simple. Le cuir est entaillé d’une fente de trois centimètres arrêtée à l’emporte pièce de chaque côté. La corde est bouclée à un bout. Le cuir est passé à travers la boucle et le brin de la corde passé à l’intérieur de la fente.

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raccord entre cuir et corde

L’accrochage est fait à l’arrière du joug sur un point d’ancrage(une vis en générale) autour de duquel est inséré le lien cuir fendu de la même manière qu’au raccord cuir / corde.

Parfois le lien est cloué à la place de la vis à l’arrière.

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Le lien cuir sort à l’avant du joug au niveau inférieur des passages de cornes intérieures par une fine mortaise.

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têtière vue de l’avant, on distingue à droite la sortie du lien au passage de cornes intérieures

Au liage, on place sur le front des animaux et sous les liens un coussin appelé en Charollais Brionnais « pieumet ». Il est fait en paille de seigle, en paille de bois (variété de carex) ou simplement en toile de sac de jute rembourrée.

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pieumets anciens en laîche état neuf (Saint Christophe en Brionnais)

Pour chasser les mouches des yeux des animaux pendant la saison chaude on dispose des chasses mouches en cuir ou en cordelettes de chanvre ou de lin. On les appelle « vire-moutses » ou « émoutsets ».

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Les attelages de la Garaudaine utilisent uniquement du matériel neuf réalisé par nos soins (jougs, liens, cordets cuir, tsordzeure, vire-mouches, pieumets).

Pratique de l’agriculture, Gustave Heuzé, Journal d’agriculture pratique, 1872

Une publication de 1872 communiquée par Laurent Avon que nous remercions une nouvelle fois chaleureusement pour sa participation active au site.

 Cliquez ici pour télécharger la totalité du document gustave-heuze-pratique-de-lagriculture-2

Exposition » Hier en Berry, QUAND L’ANIMAL ETAIT UNE FORCE », Chateau du Plaix à Saint-Hilaire-en-Lignière (18)

Mic Baudimant, musicien chanteur et brioleur, amateur d’attelages bovins entre autres, nous communique les informations sur l’exposition que son association « Les Thiaulins de Lignière » présente cette année dans les sublimes locaux du château du Plaix.

« Utilisée depuis la haute antiquité, la force animale est rapidement décuplée par les progrès de la mécanisation agricole, dès la seconde moitié du XIXème siècle.

La motorisation des années 1950 aura raison des attelages de boeufs, et de chevaux, d’ânes et de mulets… Et même de chiens !

Quelques décennies suffiront à verser dans la seule mémoire paysanne les images de la force animale ; avec elle, ses charretiers et ses rouliers, disparaissent les maréchaux ferrant, les charrons, les bourreliers, les maquignons… tout un monde englouti dans la pétarade des moteurs et l’odeur du gazoil.

L’exposition du Musée du Plaix propose d’évoquer les croupes, les hennissements, les rudes commandements de la voix et du fouet, les odeurs de crins et de cuir d’un patrimoine révolu (peut-être), mais qui n’en finit pas de s’adresser à notre mémoire. »

Visites guidées – 6€ plein tarif – 4€ tarif de groupe

Ouverture du 8 Mai à la Toussaint
Du 8 mai au 15 juin et du 1er septembre à la Toussaint, samedi et dimanche de14h à 18h
Du 15 juin au 30 septembre, du mercredi au dimanche de 14h à 18h.

Téléchargez le PDF du dépliant:

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Actes du colloque sur la traction animale bovine du 10 décembre 2014, Montmorillon (86) rédigés par Gérard Coti.

Photo Jean-Léo Dugast 

Actes du colloque sur la traction animale bovine du 10 décembre 2014

Au lycée agricole de Montmorillon

« La traction animale bovine : un outil pour l’agriculture d’aujourd’hui et pour celle de demain ? »

Intervenants et témoignages :

Intervenants

  • Michel Nioulou: Créateur du site Web « Attelages bovins d’aujourd’hui »
  • Madame Nicole Bochet: De la Société d’Ethnozootechnie
  • Madame Cozette Griffin-Kremer: Chercheuse au Centre de Recherches Bretonnes et Celtiques

Témoignages :

  • Jo Durant : Paysan, utilisateur et dresseur en Loire-Atlantique
  • Pierre Nabos : Utilisateur amateur dans le Gers
  • Christelle de Freitas : Utilisatrice et dresseuse, salariée chez M. Jean Bartin en région Centre
  • Solène Gaudin : Prestataire de service en traction animale dans la Vienne
  • Emmanuel Fleurentdidier : Formateur en traction animale équine et bovine au CFPPA de Montmorillon
  • René Dudognon : Praticien d’autrefois en traction bovine

Animation et organisation :

 

Laurent Imbert : Directeur du CFPPA de Montmorillon

Gérard Coti : Coordonnateur formations traction animale au CFPPA de Montmorillon

Rédaction : Gérard Coti

Déroulement et contenu du Colloque

 

  • Le colloque a débuté par un mot d’accueil et de bienvenue de M. jacques Ferrand, directeur de l’EPLEFPA de Montmorillon qui a souhaité que ce colloque aboutisse à des pistes de progrès et d’organisation de la filière traction animale bovine.

  • Laurent Imbert, directeur du CFPPA de Montmorillon, a ensuite rappelé rapidement la genèse et les objectifs de ce colloque, les interrogations sur la formation notamment et la structuration de la traction bovine. Il a également présenté et rappelé les actions menées par l’établissement de Montmorillon en faveur de la traction animale et comment la traction bovine est venue logiquement se placer dans la continuité de ces actions.

  • Gérard Coti a cité les personnes excusées: Olivier Courthiade, Jean Bernard Huon, Philippe Kuhlmann, pris par leurs obligations professionnelles, André Kamerer, souffrant, Mathilde Doyen du Parc des Ballons des Vosges, Marc Michel directeur de l’INSIC (Ecole des Mines de Nancy) et Pit Schlechter, président de la FECTU, tous pris également par d’autres obligations. Gérard Coti a précisé que toutes ces personnes approuvaient la démarche du colloque, soutenaient cette action et souhaitaient être destinataires des actes.

 

  1. Etat des lieux de la traction bovine : Michel Nioulou

Michel Nioulou a rappelé qu’il était avant tout un amateur passionné de traction bovine et des races bovines. La création du site internet « Attelages bovins d’aujourd’hui » est issue d’un travail effectué avec l’Institut de l’élevage sur les races à petits effectifs et surtout avec Laurent Avon, hélas actuellement souffrant, dont la collaboration a été et reste très précieuse.

Les résultats présentés en chiffres peuvent comporter, selon M. Nioulou, quelques erreurs, les praticiens de la traction bovine étant particulièrement « dispersés », sachant que pour l’instant il reste à peu près 32 personnes à contacter.

Les chiffres présentés mélangent des personnes n’ayant jamais cessé d’atteler, des amateurs, des passionnés. Il précise qu’une paire sur deux travaille de façon effective et régulière. M. Nioulou souligne également que ces praticiens se situent souvent en zone de montagne.

Il a donc recensé à ce jour :

Environ 198 paires et 21 bœufs en « solo » utilisés par:

  • 59 exploitations agricoles
  • 14 retraités dits « actifs »
  • 27 attelages de loisirs
  • 10 structures organisatrices de spectacles
  • 12 particuliers 

M. Nioulou constate que parmi toutes ces personnes beaucoup sont des passionnés, pour la plupart issus du milieu agricole, préoccupés pour certains par le maintien d’une race à faible effectif et du travail avec les bœufs ou la fabrication de jougs et de fers.

Le recensement s’est effectué auprès de particuliers, d’associations diverses, d’écuries, d’organismes de spectacles etc.…

La difficulté du recensement vient aussi du fait que certaines personnes travaillent avec des bœufs et ne participent pas aux fêtes, il y a également ceux qui n’ont jamais cessé le travail en traction bovine.

Il constate également que parmi les meneurs, beaucoup réalisent notamment des activités de débardage…

Il existe visiblement une diversité importante d’activités, très « atomisée », d’où l’idée de M. Nioulou d’élaborer une cartographie des bouviers.

M. Nioulou a ensuite énuméré les atouts dont dispose la traction bovine :

  • Le fait déjà qu’en 2014 on parle encore et toujours du travail avec les bœufs.
  • La formation existe, qu’elle soit dispensée en centres de formation (Montmorillon, Oloron-Ste-Marie…) ou transmise par des professionnels.
  • Il y a beaucoup de jeunes bouviers.
  • Il existe des exemples d’utilisation sur des exploitations viticoles comme « Château Pape Clément » par exemple, ce qui est sans doute plus une image commerciale qu’un réel investissement dans la pratique, mais « c’est toujours ça ! »
  • Il y a un projet de création d’une académie des bouviers au Puy du Fou.
  • Un travail intéressant a été réalisé par l’ADEME (Agence De l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie) du Limousin sur l’efficacité de la traction bovine
  • Il existe des recherches sur les jougs (Ecole des Mines de Nancy avec Emmanuel Fleurentdidier).
  • Il y a des réflexions constantes sur la conception, l’évolution ou l’adaptation du matériel de traction animale.
  • Il existe un projet de rédaction d’un manuel de dressage.

Toutes ces choses font que la traction animale bovine est assez vivante en France, et qu’il s’agit d’une activité normale souvent intégrée au fonctionnement d’une exploitation agricole.

Cependant des questions restent posées notamment sur :

  • La viabilité.
  • Cela reste une pratique précaire, voire confidentielle.

C’est une activité qui doit trouver sa place dans la préservation des races locales menacées et à faibles effectifs et dans le développement durable.

Il est assez compliqué finalement de se faire une image nette et représentative de la traction bovine, car beaucoup de praticiens travaillent et manquent de temps pour communiquer sur leur pratique.

Il faut trouver ou créer des relais sur l’ensemble du territoire, a suggéré M. Nioulou, et ne pas négliger les fêtes et manifestations. Mais il faut bien mettre en avant les gens qui travaillent vraiment en traction bovine, a-t-il conclu.

L’intervention de M. Nioulou a été très applaudie et pas mal de participants dans la salle (notamment M. Jean Bartin) l’ont chaleureusement remercié M. Nioulou pour le travail remarquable qu’il a réalisé pour son site, permettant ainsi de créer un lien et une communication entre les acteurs et de faire accéder les jeunes à la traction bovine.

Il faut souligner également que l’organisation de ce colloque a été grandement facilitée par le travail de M. Nioulou. (Note de G. Coti, rédacteur)

  1. Traction bovine : « Le poids du passé et des traditions, quel avenir ? » Mmes Cozette Griffin-Kremer et Nicole Bochet

Madame Griffin Kremer a débuté son intervention en rappelant que les trois quarts des agriculteurs du monde utilisent la traction animale…

Elle a ensuite souligné l’importance du travail en réseaux, en précisant qu’il existe différentes formes de réseaux aux connections différentes.

Actuellement, on se trouve dans un réseau libre qui communique dans tous les sens. Peut-être faudrait-il trouver un mode de relation plus organisé? L’important dans un réseau c’est le contact, précise Madame Griffin Kremer.

Exemples de réseaux :

  

Potential but

unconnected partners Network of individuals

or groups that communicate Information diffusion without reciprocity without central oversight

Il existe pourtant, poursuit-elle, beaucoup de connections possibles et de réalisations consacrées à la traction bovine.

  • Des manifestations qui réunissent les acteurs (A Montmorillon, en Vendée, en Allemagne…).
  • Des travaux d’étude, comme par exemple le travail du réseau des zootechniciens polonais et la publication d’un ouvrage sur la génétique et les bâtiments.
  • Beaucoup d’autres réseaux existent déjà : les musées, la société d’ethnozootechnie, des recherches…
  • La traction animale et bovine bénéficie de trois grands médiateurs : le magazine Sabots, la revue Esprit Village et l’AFMA (Assoc des Musées d’Agriculture)

   

  • Des supports de communication comme le site de M. Nioulou ou le blog de J.-L. Dugast, il existe aussi un site allemand sur le matériel.
  • Il y a également de nombreuses publications scientifiques sur le sujet.

Tous ces éléments sont des atouts et des passerelles importantes pour activer un réseau efficace et propice au développement et pour « optimiser la convergence de communication et  le maximum de connectivité parmi les acteurs »

Madame Griffin Kremer poursuit son exposé en insistant sur le fait qu’il existe en France une grande diversité de races et de pratiques, et qu’il faut s’appuyer sur cette biodiversité génétique pour valoriser encore mieux la traction animale bovine.

D’autant, dit-elle, qu’« un train peut en cacher un autre », qu’il existe une prédominance du cheval sur le bœuf et qu’il bénéficie d’une meilleure image. Même si certains pays, comme l’Angleterre, ont révisé leur point de vue sur le sujet.

  

Madame Griffin Kremer souligne l’importance de la conservation des savoirs et notamment de la transmission de ces savoirs par les anciens, ces « passeurs de mémoire » qui, hélas disparaissent ou sont appelés à le faire dans un avenir proche.

Elle met en garde aussi contre la façon de présenter la traction bovine par des démonstrations un peu factices, avec, par exemple, des terrains préparés par des engins pour faciliter le travail des bovins. Les démonstrations ne sont pas du travail et peuvent alors donner une image négative des possibilités de la traction bovine, à l’inverse de ce que l’on voudrait démontrer…

La traction animale bovine offre également beaucoup de défis à la recherche par la grande diversité des attelages et des jougs, mais là aussi une mise en garde : « Ne pas réinventer la poudre ! »

Madame Griffin Kremer estime qu’il y a vraiment un gros travail à faire sur les savoir-faire nouveaux, anciens ou inventés.

Peut-être faut-il « fonder un comité expert international pour définir des standards de compétence, pour trouver et designer officiellement les plus qualifiés parmi les meneurs, ainsi que pour définir leurs devoirs en tant que détenteurs de patrimoine immatériel »

Madame Griffin Kremer a fait aussi un point sur la transmission : comment transmettre et quels objectifs se fixe-t-on ?

Elle a souligné l’important travail et la qualité de ce travail réalisé par les musées, les parcs naturels régionaux et les écomusées. Ces organismes sont d’autant plus intéressants qu’ils ont souvent des « ponts » à l’international, notamment avec l’Allemagne (Musée de Plein Air de la Rhénanie)

Les musées ont cet énorme avantage de posséder et de présenter des collections souvent riches, des répliques de matériel divers et de favoriser les échanges.

Parenthèse : Attention à la désinformation non intentionnelle qu’on peut parfois trouver sur des représentations totalement imaginaires où l’on peut voir des jougs « extraterrestres »  ou des matériels n’ayant jamais existé…

La transmission c’est aussi la formation et les démonstrations réalisées lors de rencontres sur les sites de ces musées (en Alsace, en Rhénanie ou dans les Vosges…).

Les musées, c’est aussi une forte contribution à la sauvegarde des structures patrimoniales.

Pour finir, Madame Griffin Kremer s’est attachée aux perspectives et a souligné l’importance d’élaborer un plan stratégique (exposé dans le numéro 62 de Sabots).

Elle a insisté sur la nécessité d’ « obtenir pour ces meneurs soit le statut de « trésor vivant », style UNESCO, ou l’équivalent, et logiquement, des financements pour assurer leurs enseignements et leurs travaux d’auteurs de manuels (démarche déjà réussie par la CFPPA de Montmorillon)

Elle a également précisé l’objectif de proposer le développement d’un programme européen qui pourrait même dépasser les frontières de l’UE. « Développer un programme paneuropéen pour la formation des meneurs, sanctionnée par un diplôme reconnu nationalement et internationalement. Étendre ce programme au-delà des frontières de l’Europe afin d’accroître la conscience de la valeur de l’énergie animale et de ceux qui l’utilisent… »

Elle a conclu son intervention en insistant sur les besoins impérieux des meneurs d’attelages bovins de réaliser un travail qui soit rémunérateur…« Tirer les conséquences de la formation de plus de meneurs experts en créant des emplois ou en subventionnant une partie de leurs activités professionnelles (par exemple, agriculture ou viticulture, entretien du paysage périurbain ou rural)»

 

Madame Nicole Bochet a ensuite pris la parole pour présenter le travail réalisé avec la Société d’Ethnozootechnie dont elle est membre.

Elle a rappelé l’expérimentation menée sur la traction bovine en zone de semi- montagne avec pour thème principal : « Comment les praticiens ont résisté à la pression de la mécanisation »

Une étude a également été menée avec la société d’Ethnozootechnie sur les risques liés au travail avec des bovins, dont les résultats ont été publiés sur une revue de la MSA sur le savoir-être.

Elle a aussi rappelé son travail de 10 ans pour tenter d’aboutir à une nouvelle parution de l’ouvrage «Quand la corne arrachait tout» de François Juston, grâce à l’appui de la DGER.

Madame Bochet a souligné l’importance de cet auteur qui a travaillé sur la traction animale bovine, et elle a souhaité que des chercheurs puissent travailler sur ses écrits.

Mme Bochet a ensuite évoqué des journées consacrées à la traction bovine ayant donné lieu à des publications :

 

  • Une Journée d’étude de la société d’Ethnozootechnie organisée conjointement avec l’Association Française des Musées d’Agriculture et du Patrimoine Rural le 17 octobre1997, concrétisée par l’édition du volume1 de «Les  Bœufs au travail » par l’ Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales – sous la direction de F. Sigaut, J.M. Duplan, Nicole Bochet

 

  • Actes du colloque du « Festival Animalier International de Rambouillet (FAIR) » le 26 septembre 1998 qui a abouti à la parution du volume 2 de «Les Bœufs au travail »

Nicole Bochet a abordé des points très concrets concernant les frais engagés par les praticiens ou les personnes se déplaçant pour enquêter sur la traction bovine.

Les déplacements et les frais liés à ces déplacement posent en effet un réel problème pour les praticiens, obligés de s’absenter de leur exploitation agricole pour des démonstrations ou interventions diverses. Nous en avons trois exemples pour ce colloque en la personne d’Olivier Courthiade, de Jean Bernard Huon et de Philippe Kuhlmann, dont les obligations professionnelles et le coût du voyage ont entraîné les absences malgré leur soutien et leur envie de participer.

Ce fut également le cas lorsque Laurent Avon effectua son remarquable premier travail de recensement des bouviers de France. Les déplacements sur les sites lui ont posé un très lourd problème.

L’intervention s’est terminée par un certain nombre de questions et de sujets à creuser pour faire avancer la recherche et l’aider à travailler.

La création d’un centre de ressources, et l’utilisation plus approfondie d’internet peuvent être des appuis précieux.

Dans les sujets d’étude évoqués citons :

  • Un travail sur les animaux utilisés dans la traction bovine et particulièrement sur la sélection d’animaux pour le travail.
  • La viabilité du métier : Un point important et sans doute crucial pour l’avenir de la traction bovine.
  • La santé et la sécurité au travail avec des bœufs qui reste un travail très physique

Pour finir Nicole Bochet a évoqué le CIRAD (Centre de Coopération International en Recherche Agronomique pour le Développement) de Montpellier, qui pourrait s’intéresser à la traction bovine dans ses thèmes de recherche sur le développement rural par exemple, et qu’il faudrait inviter lors de colloques de ce type.

Elle a conclu en soulignant l’importance de stimuler des réactions et des engagements qui sont fondamentaux pour l’avenir et le présent de l’utilisation des animaux pour le travail.

  1. Témoignages de praticiens

  • Témoignage de Jo Durant :

Jo possède une paire de bœufs Vosgiens.

Jo a découvert le travail des bœufs chez ses grands-parents. Il a appris à travailler avec les chevaux chez ses parents, mais il a toujours eu une attirance particulière pour le travail en traction bovine.

Il s’est installé sur une exploitation agricole en polyculture élevage.

Il tient à dire d’emblée que travailler avec les bœufs pose un problème dans un contexte économique difficile.

On ne peut pas tout faire avec les bœufs, car il y a trop de travaux qui se superposent et c’est à une trop grande échelle dans la situation actuelle.

Jo précise que cela fait déjà pas mal de temps qu’ils réfléchissent avec Christine Arbeit, sa compagne, à changer de stratégie pour l’exploitation pour pouvoir utiliser les bœufs à 100 %…mais cela suppose, dit-il, une spécialisation de la production.

Ils possèdent des terres difficiles et réalisent très peu de labours. Il faudrait une seconde paire en fait, mais dans le contexte actuel ce n’est pas justifié le reste de l’année…

Par contre, en ce qui concerne les foins, Jo utilise le tracteur par souci de rentabilité économique plus que pour un problème de temps. Le matériel de traction animale est souvent trop cher (il évalue ses besoins à environ 8000 €) et difficile voire impossible à rentabiliser. L’achat d’une auto chargeuse par exemple serait idéal mais c’est un engin totalement hors de prix pour eux…

Tout cela fait que les bœufs sont sous-utilisés, et qu’ils ne réalisent pas un travail assez régulier, ce qui entraîne pas mal de soucis à la remise en route…De plus Jo et Christine consacrent beaucoup de temps à la commercialisation de leurs produits et au travail administratif, ce qui leur laisse peu de temps à consacrer à la traction animale.

Quant à l’emploi d’un salarié, Jo ne voit pas quelle activité pourrait financer un salarié en traction bovine…

Jo reste persuadé que la spécialisation est la clé d’une utilisation rationnelle de la traction bovine. Mais il reste à bien définir cette spécialisation par rapport au fonctionnement d’une entreprise agricole.

Il ne faut pas non plus rêver, dit-il, les jeunes aujourd’hui ne pourront pas travailler comme les anciens…

Une production paraît bien compatible avec la traction bovine, c’est la production maraîchère ou / et la culture des plantes aromatiques et médicinales. L’utilisation de la traction bovine dans ce contexte paraît possible et rentable…mais attention, la notion de rentabilité peut être très différente selon les individus, c’est une notion très personnelle…

En bref dans l’état actuel de son exploitation agricole, Jo pense qu’il faudrait revoir le fonctionnement global de l’entreprise… sachant, en outre, qu’il possède un parcellaire très morcelé et que les déplacements fréquents ne sont pas envisageables en traction bovine car beaucoup trop lents…

Il y a par contre beaucoup d’intérêt à utiliser la traction bovine pour l’impact bénéfique sur le sol, notamment le travail sans labour. Il y a à l’évidence des pistes intéressantes à creuser. Il faut être vigilant aussi au problème posé par la traction animale par rapport à la puissance demandée (le sous solage par exemple ou certains labours…)

Jo conclut en disant qu’il reste persuadé que la traction bovine s’adapte parfaitement à une production maraîchère en permaculture par exemple, c’est-à-dire spécialisée.

 

 

  • Témoignage de Pierre Nabos

Pierre a commencé à travailler en traction animale avec des chevaux de trait, puis s’est intéressé aux bœufs. Il utilise en mixte la traction animale et la traction mécanique mais uniquement en amateur. Il précise qu’il a un travail à « l’extérieur » et qu’il n’a évidemment pas les contraintes liées à l’utilisation professionnelle de la traction bovine et qu’il n’en voit que les aspects positifs. Il dresse également des bovins pour d’autres utilisateurs.

Ceci dit, Pierre estime que l’utilisation des vaches pour la traction animale reste plus simple, que les animaux sont plus maniables, plus robustes et plus résistants à la chaleur notamment.

D’un point de vue économique, il constate que les bovins sont moins coûteux que les chevaux (harnachement), qu’une vache a l’avantage de produire un veau (pour la viande) et du lait, et que les surfaces exigées pour les bovins sont moins importantes.

Il intervient beaucoup à l’occasion de fêtes, de manifestations ou d’animations ce qui lui a permis de faire pas mal de rencontres pour démarrer son activité en traction bovine.

Il insiste sur l’intérêt de ce type de manifestations pour donner au public une première image de la traction bovine, et notamment une image positive.

Il dit avoir de nombreux contacts lors de ces fêtes, mais regrette par contre le peu de continuité constaté par la suite. « Pour que ça marche, il faut partir du début » dit-il.

Pour finir, il lui semble important de préciser que, lorsque l’on veut utiliser la traction bovine sur une exploitation agricole, il est indispensable de bien prendre en compte, avant toute chose, la superficie à travailler.

  • Témoignage de Christelle de Freitas

Christelle précise dès le début qu’elle a été baignée dès son enfance dans l’élevage bovin, puisque ses parents étaient des éleveurs de bovins charolais.

Elle travaille en traction animale uniquement dans un contexte de loisirs et de démonstrations à l’occasion de prestations pour des manifestations. Elle est salariée de M. Jean Bartin.

Christelle a commencé la traction animale avec des chevaux. Mais les nombreux témoignages entendus sur la traction bovine l’ont incitée à s’y intéresser de plus près et à pratiquer. Elle a commencé avec une paire de vieux bœufs expérimentés pour se « faire la main ».

Quand elle se déplace sur le territoire, elle apprécie tout particulièrement les rencontres souvent chargées d’émotion, qu’elle peut avoir avec des anciens mais aussi des plus jeunes.

Christelle a conscience qu’elle transmet un savoir dans une société qui a perdu beaucoup de ses repères avec l’animal. Elle est convaincue d’être un lien entre le professionnel et le passionné, mais surtout d’être une « passeuse de mémoire » qui va permettre de conserver ce contact primordial avec l’animal.

De plus, le fait qu’elle soit une femme menant des paires de bœufs est un atout et une démonstration que la force physique est secondaire.

Lors de ces démonstrations elle se déplace non seulement au niveau national mais aussi européen. Elle constate une forte demande venant de multiples organismes. Cela crée de nombreux déplacements avec des problèmes sanitaires parfois difficiles à gérer. En ce qui concerne le ferrage, ils bénéficient de l’assistance d’un maréchal-ferrant qui se déplace avec eux.

Christelle pense qu’il y a un gros travail à faire pour transmettre ces savoirs aux jeunes, un travail indispensable.

Elle évoque des pistes de réflexion, notamment sur la fin de vie des animaux qui sont finalement plus que des outils de travail…Faut-il les envoyer aux abattoirs, Faut-il avoir des scrupules après 14 à 15 ans de bons et loyaux services ? Bien sûr cela ne fait pas plaisir de les voir partir mais n’est-ce pas leur destin de bovins ?

Mais Christelle insiste aussi sur l’importance de beaucoup travailler la communication et l’image de la traction bovine, pour pallier la méconnaissance et parfois l’ignorance du public. Elle est persuadée notamment de la nécessité de faire toucher les animaux aux gens…

Enfin, elle conclut sur la possible introduction des bœufs en zone urbaine et de la traction animale en général, sachant qu’il faudra gérer les problèmes de propreté, ce qui peut être un facteur négatif aux yeux des citadins…

  • Témoignage d’Emmanuel Fleurentdidier

Manu fait un rapide rappel de son expérience personnelle et professionnelle en traction animale précisant que ses débuts en traction animale se sont faits de façon autodidactique et avec les chevaux.

Il a réalisé de nombreuses prestations et interventions avec les chevaux de trait pour à un moment se diriger vers les bœufs. Mais cette nouvelle pratique s’est développée presque « par défaut », pour le loisir et dans le but de « se détendre » de l’utilisation professionnelle des chevaux.

Au début Manu a le sentiment d’être un peu seul, puis il participe à la « rencontre des bouviers » en Alsace en 2007 ce qui lui permet d’entrer en contact avec des bouviers et notamment Philippe Kuhlmann.

En 2008, il participe à un travail sur la transmission des savoirs avec l’UNESCO sur le Parc des Ballons des Vosges. Plusieurs propositions d’animations sont proposées, la traction animale est retenue et particulièrement son projet sur la traction bovine. Cela a donc permis l’intégration des bœufs de travail au Parc des Ballons des Vosges.

Puis Manu rappelle son arrivée au CFPPA de Montmorillon en décembre 2009 sous l’impulsion de Gérard Coti, pour assurer la formation CS Utilisateur de chevaux attelés…

Il souligne qu’il était toujours fortement intéressé par la traction bovine, et qu’il rapatrie ses bœufs Vosgiens l’année suivante à Montmorillon, mettant il est vrai le CFPPA un peu devant le fait accompli…mais dans l’objectif de monter une formation.

En 2011 a donc lieu la première formation à la traction bovine à Montmorillon.

L’idée de Manu est de travailler sur l’amélioration et la modernisation du matériel utilisé en traction bovine et notamment les jougs. Il entreprend alors une recherche avec les élèves ingénieurs de l’INSIC (de l’Ecole des Mines de Nancy) sur les matériaux composant les jougs, dans l’objectif de les alléger et de faciliter leur mise en place sur l’animal. Cette recherche aboutit à la fabrication d’un prototype. Les élèves ingénieurs sont d’ailleurs venus tester ce matériel et prendre des mesures dynamométriques à Montmorillon.

Depuis peu la formation CS a intégré, dans son programme, une période de 35 heures consacrée à la traction bovine.

Pour conclure, Manu suggère de réaliser un travail sur le dressage, et l’influence des différents types de jougs (joug de garrot ou de cornes). Il pense également qu’il faut plus communiquer et valoriser les différents types d’animaux en fonction des utilisations.

 

  • Témoignage de Solène Gaudin

Solène se présente comme prestataire en traction animale. Elle réalise des chantiers divers : du débardage, des prestations attelage, du maraîchage et intervient également sur certaines manifestations et fêtes.

Elle utilise une paire de bœufs Vosgiens et une paire de chevaux de trait.

Elle s’est formée en 2013 au CFPPA de Montmorillon où elle obtient son CS Utilisateur de chevaux attelés qui lui permet de s’intéresser aux différentes thématiques abordées durant la formation.

Elle suit également un stage en traction bovine, ce qui lui fait découvrir avec intérêt l’utilisation du bœuf de travail.

Solène a pu comparer lors de ses prestations le bœuf et le cheval : elle considère le bœuf comme plus économique que le cheval.

Elle souligne aussi que les bœufs sont plus endurants au travail et plus simples d’utilisation, avis qui semble partagé par de nombreux praticiens.

Solène a également réalisé des expérimentations sur les vignes. Le gros avantage des bovins semble être leur entretien par rapport aux chevaux, certainement plus exigeants et au fond plus coûteux si l’on en revient aux critères économiques.

Par contre, Solène précise que les bœufs posent plus de problèmes lors de déplacements surtout lorsque d’autres bœufs sont présents notamment en ce qui concerne les papiers d’identifications et vétérinaires.

Un autre problème est le ferrage, il n’est pas évident de trouver un maréchal-ferrant sachant ferrer les bœufs.

Autre souci, selon Solène, le matériel neuf pour traction bovine, est encore peu répandu malgré les efforts de certains constructeurs comme AMB 88.

En ce qui concerne le ferrage, Solène suggère d’inclure le ferrage des bovins dans les parcours de formation sur le ferrage ou le parage.

 

  • Témoignage de René Dudognon

Note du rédacteur : M. René Dudognon est un ancien praticien en traction bovine. Sa présence à ce colloque s’explique par sa rencontre avec Mme Monique Gésan, directrice de l’Ecomusée du Montmorillonnais. Mme Gésan travaille beaucoup sur la mémoire vivante et sur les témoignages d’anciens qu’elle enregistre pour l’Ecomusée. Au courant de la tenue de ce colloque, elle nous a contactés pour proposer son intervention. La rencontre d’anciens et de nouveaux praticiens est toujours fructueuse et intéressante et permet de se faire une idée de ce qu’était la traction animale à une époque où elle faisait encore partie du quotidien agricole. Il nous a semblé aussi que M. Dudognon pourrait trouver du plaisir et une certaine fierté à parler de ce qui fut sa vie, durant de longues années. Nous le remercions de sa présence.

M. Dudognon commence par expliquer qu’il a travaillé avec des bœufs jusqu’en 1960, l’arrivée de la mécanisation ayant entraîné rapidement le déclin de l’utilisation des bœufs.

A cette époque tout se faisait avec les bœufs.

Il y avait plus de vaches au travail que de bœufs car les vaches présentaient l’avantage de faire un veau.

René Dudognon se souvient d’avoir aussi travaillé un peu avec les chevaux, mais leur usage était moins courant dans les fermes parce que plus coûteux sans doute…

M. Dudognon parle du dressage des bœufs en précisant que les fermes n’achetaient presque jamais de bœufs dressés et qu’ils prélevaient des veaux élevés sur l’exploitation, et que les fermiers dressaient eux-mêmes.

Ils confectionnaient de petits « jougs », parfois de simples morceaux de bois, qu’ils attachaient sur la tête du veau pour l’habituer tout jeune au joug de travail.

M. Dudognon poursuit en expliquant que les futurs bœufs de travail étaient castrés tôt, entre 4 et 6 mois, qu’ils commençaient à travailler à partir de 2 ans, et pendant 3 à 4 ans, période à l’issue de laquelle on les renouvelait.

Le dressage à l’époque était plus simple et plus rapide, car le nombre important d’animaux de travail permettait de lier ensemble un jeune bœuf inexpérimenté avec un plus âgé déjà dressé. Le jeune n’avait pas le choix et suivait…

En ce qui concerne l’alimentation des animaux de trait, les bœufs étaient nourris avec des topinambours, des betteraves et du foin, mais le plus souvent ils étaient à l’herbe.

Pour le ferrage, il se faisait beaucoup en fonction du terrain… Parfois, par exemple, on ne ferrait que les antérieurs, ou seulement les onglons externes…

Bien entendu le dressage pouvait poser un problème à certains fermiers et dans ce cas là ils achetaient un animal dressé, mais c’était peu courant.

M. Dudognon nous explique aussi qu’en général les jougs étaient fabriqués « maison », et que lui-même en fabriquait.

Par contre les bœufs étaient lents et cela posaient aussi des problèmes de déplacements surtout en évitant les routes.

Pour finir M. Dudognon évoque les moments où ils allaient chercher les bœufs pour le travail. Il souligne que, bien entendu quand les bœufs logeaient à l’étable, la préparation était plus facile et plus rapide; mais il arrivait aussi que les bœufs restent au pré et il fallait les attraper pour les lier, cela prenait un peu plus de temps, mais beaucoup d’animaux étaient dociles et se laissaient attraper sans problème.

On les liait en commençant toujours par celui de gauche.

A une question de M. Mic Baudimant (spécialiste du Briolage: chants accompagnant le travail des bœufs) qui demandait à M. Dudognon si cela leur arrivait de chanter en menant les bœufs, celui-ci répondit qu’en effet cela arrivait, « notamment le matin pour montrer au voisin qu’on était au travail plus tôt que lui ! ». Cependant René Dudognon n’a pas osé « brioler » pour nous… Puis il a cité deux ou trois noms donnés aux animaux comme par exemple « Mariolle » au caractère un peu vif, « Pompon » etc.…

Pour finir, René Dudognon se souvient des deux derniers bœufs Limousins qu’il a connus et qui pesaient 1 tonne 2 chacun ! Et il conclut en disant qu’à l’époque le temps s’écoulait à un autre rythme et que c’était les animaux qui donnaient le rythme…

 

  1. Travail par ateliers

  • Atelier 1 : « Peut-on tout faire avec un bœuf ? »

Animateur : Emmanuel Fleurentdidier

La réponse à la question posée par le thème de l’atelier a été clairement: oui.

Les participants ont ensuite énuméré les différents travaux pouvant être réalisés avec des bœufs en les commentant.

  • Le travail de débardage a d’abord été abordé : il a été souligné que c’est peut être le travail qui correspond le mieux aux capacités des bovins de trait. Ils vont bien dans ce contexte par leur maniabilité d’abord, leur adaptation aux types de reliefs rencontrés, en sachant qu’aujourd’hui le matériel de débardage est suffisamment bien conçu pour être opérationnel. Les bovins s’adaptent très bien en zones naturelles sensibles (zones humides et sols fragiles) grâce, notamment, à leurs onglons qui évitent l’effet « ventouse » rencontré avec les chevaux.

  • Le travail du sol : le travail en viticulture est tout à fait possible et efficace si le menage des bœufs se fait par l’arrière. En maraîchage, beaucoup de possibilités, travail facilité par une vitesse d’avancement lente et plus contrôlable. Surtout en ce qui concerne le labour, qui se révèle de qualité supérieure en vitesse modérée.

De plus, en travail du sol, on peut sans difficulté alterner un attelage en paire, travailler en solo, utiliser un joug, un collier ou un frontal…

  • Le voiturage : l’utilisation du bœuf pour réaliser un travail de collecte / ramassage / distribution sur une ferme est tout à fait concevable sur de courtes distances où elle reste équivalente (en coût et rapidité) à celle réalisée avec un cheval.

On peut donc faire pratiquement tout, ou du moins beaucoup de choses avec un bœuf, y compris en agglomération (le bœuf territorial, pourquoi pas ?) sachant tout de même que dans un contexte citadin, il faut soigner l’image que l’on va donner, car le bœuf ne bénéficie pas d’une image aussi favorable que le cheval de trait. Notamment au niveau des déjections (les sacs à crottin pour les chevaux ont réduit en partie le problème) car les bœufs produisent des bouses…C’est sans doute un faux problème pour notre atelier car cela peut se gérer de façon simple : en changeant d’alimentation avant la prestation, en calculant le temps de transport pendant lequel les déjections peuvent être « évacuées » et en travaillant en se calant sur le calcul du cycle alimentaire…

Mais cet atelier a lui aussi insisté sur cette image à donner primordiale pour faire accepter le bovin par le public en général.

  • Atelier 2 : Organisation

Animateur Jo Durand

(Note du rédacteur : les rapporteurs désignés des différents ateliers ont eu l’excellente et généreuse idée de me faire parvenir le compte-rendu de l’atelier auquel ils ont participé ou qu’ils ont animé. Je les en remercie grandement, et restitue donc chaque contribution dans son intégralité (ou presque…), ayant trop peur de ne pas respecter ou d’omettre une partie de ce qui a été dit et échangé lors de ces moments riches et conviviaux.)

Les discussions vives et fructueuses de cet atelier ont souvent rejoint les thèmes abordés dans les Ateliers 1 et 3. Les participants étaient d’accord sur les points suivants :

1) Il faut travailler sur l’image de la traction bovine qui est soit méconnue, soit moins bien perçue que la traction chevaline.

2) Les utilisateurs de traction bovine sont si peu nombreux (en France) qu’il y a un manque de main-d’œuvre: par exemple, certaines tâches entreprises par une seule personne devraient l’être par deux ou trois, ce qui donne fréquemment lieu à une situation de sécurité insuffisante.

3) La formation est, elle aussi, souvent insuffisante, à la fois pour le travail purement technique, comme pour obtenir une efficacité dans les réponses aux exigences pratiques telles l’émission de devis, l’explicitation d’arguments, etc., au sein de qualifications globales. Il y aurait nécessité de faire des recherches sur la mutualisation.

4) On constate aussi un fossé considérable entre l’expertise dans l’utilisation de la mécanisation et celle concernant l’énergie animale, surtout au niveau de la recherche sur cette dernière qui n’a pas suivi le rythme des investissements dans les équipements mécanisés, laissant ainsi un hiatus d’une cinquantaine d’années et un manque de structures pour soutenir des progrès techniques.

5) Au lieu d’insister sur le débat cheval versus bovin, il serait bien plus sage de souligner leur complémentarité, tout comme la complémentarité énergie animale/motorisation (sauf, très probablement, dans le transport).

6) Il ne faut pas oublier que le plombier travaille sur une matière inerte, tandis que le bouvier travaille avec le vivant, ce qui l’amène à une vision bien plus écologique de respect du sol dans tous les sens de ce terme.

Cozette Griffin-Kremer

13 décembre 2014

  • Atelier 3 : la formation

Animateur : Gérard Coti

(Note du rédacteur : je me suis permis de « raccourcir » le compte rendu de M. Baudimant non pas dans le but inavoué de le censurer mais pour des questions de lisibilité et de clarté en rapport avec le thème de l’atelier et pour des questions de place. Il est vrai que cet atelier a été marqué par de nombreux échanges, un peu dans tous les sens et que la tâche du rapporteur n’a pas été chose aisée. J’espère de tout cœur que Mic Baudimant ne prendra pas ombrage de cet élagage un peu sévère sans doute, mais nécessaire…)

Aux trois questions initialement posées en préambule – une formation pour qui ? Une formation par qui ? Une formation comment ?- est venue s’ajouter une quatrième : pourquoi une formation ?

Question récurrente et question de fond : Pourquoi utiliser la traction bovine en ce début de XXI ème siècle ? Comment en vivre ? S’engager dans une formation technique de cet ordre nécessite une motivation et un « horizon » suffisamment clair pour le demandeur d’apprentissage.

 

UNE FORMATION POUR QUI ????

Devant la « confidentialité » des pratiques de traction bovine, en France, aujourd’hui, la promotion tous azimuts ne semble pas porteuse, ni même souhaitable : « On s’époumonerait à rien » dit une des participantes de la table ronde.

1/ Cibler les circuits spécialisés s’impose :

Journaux agricoles locaux (trouver des relais dans chaque région par l’intermédiaire de passionnés. Revues nationales spécialisées : « SABOTS », ‘VILLAGES »… revues « BIO ».

L’activation des réseaux « traction bovine » en place est un point majeur mis en évidence par Cozette GRIFFIN KREMER, dans la présentation du matin. « La sollicitation du réseau des musées d’agriculture est un très bon système » précise Nicole BOCHET de la Société d’Ethnozootechnie.

2/ « De l’oeuf et de la poule » …. Quel élément au départ des choses ?

Dans le groupe, la réflexion court sur l’origine souhaitable de la formation :

Faut-il développer la traction bovine de manière graduelle et non ostentatoire, pour servir de modèle à des volontaires qui s’engageront à la suite, de façon croissante et durable ? (situation actuelle, considérée par certains comme un peu trop lente)

Ou

Faut-il chercher des stagiaires (promotion de formations par voie de presse – diffusion ciblée de documents d’appels pour stages en région) … afin de construire un « bataillon » d’initiés, capables de développer la traction bovine ?

Les deux voies sont sans doute à prendre, pour un maximum d’efficacité.

3/ Constat est fait de l’intérêt porté à cette pratique par des personnalités « atypiques », en rupture de ban avec la société « normalisée » qui prévaut, aujourd’hui.

Le « feeling » avec l’animal est nécessaire et au départ des motivations et réussite.

Si la force physique peut ne pas compter, un « caractère » affirmé est capital ! (Exemple de la jeune bouvière Solène GAUDIN)

4/ Des expériences du type « EQUI TRAITS JEUNES » seraient à promouvoir dans le milieu bovin.

Dans un premier temps, la fusion entre initiatives équines et bovines simplifierait la mise en place.

Hélas, avec la « crise » un ralentissement de cette pédagogie ouverte se fait sentir.

Rassembler 400 jeunes – accueillir, nourrir, et faire s’affronter amicalement – met en œuvre des fonds importants, souvent à la charge du lycée organisateur.

Son avenir est remis en cause selon monsieur COTI. Les instances supérieures de l’Enseignement Agricole ne voient pas forcément d’un « bon œil » cette facette de l’enseignement : «  ça fait rigoler » … « ça parait être un retour au Moyen-âge !!! ». L’inspection y opposerait un NON catégorique.

 

UNE FORMATION PAR QUI ????

La phalange des formateurs reconnus (Olivier COURTHIADE, Philippe KUHLMANN…..) est actuellement très réduite et peut se compter sur les doigts d’une seule main ! Ils se sont formés par eux-mêmes et n’ont pour eux que l’antériorité de la passion et quelques bons conseils d’anciens qui les ont précédés: l’observation fine et le temps ont fait le reste. Ils dispensent une formation sur le terrain mais non reconnue par un diplôme ou une qualification officiellement répertoriée.

Emmanuel FLEURENTDIDIER, formateur au Lycée Agricole de Montmorillon est actuellement le seul à dispenser une formation qualifiante.

Le renouvellement et l’élargissement du groupe des formateurs paraissent nécessaires. D’anciens bouviers, en petit nombre, proposent de manière encore officieuse un échange de savoirs et de savoir-faire. Une liste des propositions serait à établir et sans doute utile pour former les novices au plus près de leur résidence et au moindre frais.

L’idée d’un COMPAGNONNAGE basé sur des contacts multiples dans divers territoires parait séduire le plus grand nombre des participants au groupe 3. Les pédagogies propres à chaque formateur pourraient être synthétisées et répondre ainsi, plus efficacement, à la singularité du bouvier formé.

 

UNE FORMATION COMMENT ???

La FÊTE de la VACHE NANTAISE 2014, a fait apparaître le besoin de s’organiser pour proposer divers types de formations. Le colloque TRACTION BOVINE de Montmorillon est le premier temps de cette organisation.

Il arrive après l’annulation récente de 3 stages de formation au lycée de Montmorillon.

Par trois fois, les difficultés à rassembler, dans ce lieu dédié à la traction animale, des gens motivés avaient pour cause :

  • L’éloignement géographique.
  • La durée du stage (5 jours …pour des personnes en activité professionnelle !)
  • Pour certains, le financement de cette formation, (environ 530 € la semaine)

Les rencontres informelles d’Alsace (Ecomusée), d’Ariège (Ecomusée) et de Nantes (Fête) sont au départ d’un désir accru d’échanges (théorie et terrain) autour de la traction bovine.

Elles ne peuvent prétendre à une formation détaillée, qualifiante, et restent pour beaucoup de participants un très agréable échange, une sensibilisation, une initiation qui demande sa suite.

  • Se former seul, en autodidacte, est-il suffisant? Tout doit être redécouvert avec perte de temps et erreurs magistrales possibles
  • Une initiation – assez complète– à Montmorillon, (anatomie, harnachement, réglementation, sécurité) est un bon point de départ.
  • Participer à des stages locaux, plus brefs (deux jours, un WE) mais plus fréquents, en alternance avec un travail rémunérateur initial, serait sans doute l’idéal.

Pratique de l’aller-retour, expériences individuelles en alternance avec la formation … pourrait permettre de «donner du temps au temps», ont dit certains…

On se verrait bien, alors, suivre un  Tour de France « des gens passionnés qui reçoivent » un compagnonnage formateur mais qui pose le problème de l’accueil et ses contraintes matérielles, de la rémunération éventuelle ou du dédommagement du bouvier formateur …..Des accidents toujours possibles et des diverses responsabilités. (Où l’on voit à nouveau les réactions généreuses et spontanées de « marginaux » – fréquentes dans le milieu des défricheurs d’idées neuves ! – s’opposer à la législation en vigueur)

 

La mobilité des formateurs plutôt que celle des bouviers à former serait-elle une avancée de taille ?

Un regroupement minimum est nécessaire : à nouveau le problème du lieu et de son accueil, tant au plan de l’hébergement que des moyens techniques à mettre en œuvre (bêtes d’attelage et matériels en nombre suffisant).

Malgré un frémissement perceptible dû aux évolutions récentes de la « bio-attitude », la traction bovine reste encore aujourd’hui assez confidentielle. Sa formation, comme on vient de le voir, est difficile à mettre en place. Elle implique la nécessité de S’ORGANISER.

Le prochain SALON INTERNATIONAL de l’AGRICULTURE est proposé comme le cadre obligé de cette naissance, lui qui a profité, depuis plus de 20 ans, à l’essor – mesuré – de la traction avec chevaux, ânes et mulets.

Mic Baudimant

Bilan de la journée, questions, réponses et pistes évoquées…

A l’issue de ce travail des ateliers, beaucoup d’échanges ont eu lieu, résumés par cette remarque de Cozette Griffin Kremer qui a dit : « Beaucoup de fils se sont rejoints entre les groupes de travail » ce qui montre bien, en effet cette volonté commune, cet élan commun vers l’unité des discours et la similitude des préoccupations.

Cozette a même suggéré de traduire les actes du colloque en anglais afin de « rejoindre le reste du monde »…cela est révélateur aussi de la nécessité d’une communication accentuée et qui aille dans le même sens pour tous mais qui préserve la « culture » de chacun.

MM. Coti et Fleurentdidier ont ensuite pris la parole pour tenter de faire un bilan de la journée en reposant la question de départ, à l’origine du colloque: « La traction bovine, un outil pour l’agriculture d’aujourd’hui et pour celle de demain ? »

A-t-on finalement répondu à cette question ? D’une certaine façon, oui, et sans doute positivement mais peut-être certaines conditions restent à définir pour concrétiser.

Certes le bilan de la journée s’est révélé positif, les fils ont tendance à se relier, les témoignages de la matinée ont été un apport fructueux, et, pour les personnes extérieures au domaine de la traction bovine, ce colloque a été aussi très enrichissant.

Mais il reste à faire et poursuivre dans ce sens, et notamment :

  • à constituer un véritable réseau. Des personnes ont proposé de servir de relais en ouvrant leur structure pour échanger sur des thématiques, comme M. Bartin par exemple ou M. Czubak des « Roulottes de l’Abbaye »…
  • à prolonger ce moment de « communion » et le mot n’est pas trop fort, par d’autres rencontres (il a été par exemple suggéré de se revoir sur le Salon de l’Agriculture en proposant une animation dans le cadre d’un stand Ministère ou des races rustiques à faibles effectifs)
  • à, peut être, créer une association, ce qui avait déjà été proposé par Manu Fleurentdidier.
  • à mieux valoriser le site web
  • à contacter la Chambre d’Agriculture pour préciser sa position et peut-être lui demander de porter un réseau.
  • à préciser la position de la Région.
  • Etc.…

Beaucoup de choses ont été évoquées, échangées, proposées, bref, il s’est passé quelque chose ce 10 décembre 2014 à Montmorillon…

Conclusion :

Pour finir, (et sans doute par déformation professionnelle), je vais tenter de résumer en quelques phrases l’ensemble de ce qui est ressorti de ces échanges, selon moi, et tenter de souligner les points sur lesquels l’unanimité s’est faite.

  • Améliorer et intensifier la communication sur la traction bovine, pour la faire connaître, montrer qu’elle existe et qu’elle est vivante. Des hommes et des supports existent, aidons-les et développons-les.
  • Améliorer nettement l’image du bœuf de travail auprès du public, plus enclin souvent à admirer les chevaux de trait.
  • Parler « d’une même voix » et constituer un réseau interactif et efficace, qui assure et rend durables les contacts entre tous les acteurs.
  • Valoriser et s’appuyer le plus possible sur la mémoire, les savoirs transmis et la richesse des traditions, comme autant de tremplins pour l’avenir.
  • Faire progresser et encourager la recherche dans tous les domaines qui gravitent autour de la traction bovine: la biodiversité génétique, la sélection génétique, le matériel, les jougs, l’impact environnemental, le dressage etc…
  • Travailler à assurer la viabilité économique de l’utilisation de la traction bovine dans un cadre professionnel et ce, dans le respect absolu de la sécurité et de la santé des hommes et des animaux.
  • Encourager, faciliter et développer la formation en inventant de nouvelles formes d’apprentissage et de nouveaux modes de fonctionnement.

 

Voilà, je crois, les points importants sur lesquels les participants à ce colloque ont trouvé un consensus. D’autres points bien sûr ont été abordés, mais résumer, c’est faire un choix…et puis les actes sont là pour retranscrire tout (ou presque) ce qui a été dit, il suffit de s’y reporter pour en apprendre plus sur tel ou tel point.

Enfin, je voudrais dire que la traction bovine possède en elle-même les ferments de son développement futur et des atouts incomparables tant humains que matériels, que ce colloque a permis de mettre en évidence. A nous, à présent, de « relier tous ces fils » et de propulser la traction animale bovine vers l’avenir…

 

Le 14 janvier 2015

Gérard COTI

 

 

 

« Tranquilles et leur ombre allongée sur les champs,

Les grands boeufs descendaient au profil d’un coteau,

Traînant les moissons d’or sous les feux du couchant,

Et tout l’été passait dans les lourds chariots. »

Paul FORT, Ballades françaises, 1922-1958

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Pour télécharger les actes du colloque rédigés par Gérard Coti, cliquez ici: actes-du-colloquetab-1

 

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Traction bovine au Puy-du-Fou (85), mise en place de « L’académie de bouviers »

 

Le Puy-du-Fou assure des formations internes, uniquement destinées aux différents acteurs bénévoles qui interviennent sur le site, pour la Cinéscénie du Puy-du-Fou (Spectacle Nocturne).

Les différentes activités sont organisées en « Académies » qui travaillent autour d’un savoir-faire.

Se met en place autour de la traction animale bovine du site, une « Académie de bouviers », qui permettra de sensibiliser et de former les bouviers en devenir du Puy-du-Fou.

Laurent Martin, qui mène les boeufs sur place et que nous remercions ici, nous communique le texte qui trace les grandes lignes directrices de la formation mise en place afin d’assurer le renouvellement de nouveaux meneurs sur le site.

Cette démarche privée de formation de bouviers, d’une des plus grosses structures touristiques d’Europe, même si elle ne s’adresse qu’aux participants bénévoles du site, a le grand intérêt de maintenir et de transmettre un savoir-faire. Un bouvier formé au Puy-du-Fou, restera un bouvier.

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Présentation du projet d’Académie de Bouviers

L’idée, les motivations :

L’idée de créer une Académie dédiée à l’attelage bovin est venue suite à un constat: la majorité des meneurs de boeufs « bouviers » Puyfolais sont âgés de plus de 70 ans. Dans le même temps, la formation des nouveaux entrants dans le groupe 12 (du village de l’Allée Romaine) ne se fait que sur des temps de formation le mardi et le jeudi matin de janvier à mars. Ceux-ci sont orchestrés par des meneurs avec de l’expérience, mais sans réelle ligne de conduite. Jusque là, cela fonctionnait, mais des manquements aux règles de base de menage et de liage sont observés depuis plusieurs années lors de la cinéscénie. Il est donc souhaitable d’homogénéiser la formation, de façon à ce que tout nouveau bouvier débute avec une base commune préparée en amont.

Pour arriver à une diversité générationnelle ainsi qu’à un niveau de menage confirmé, il faut proposer une autre solution de formation, complémentaire et avec un contenu qui corresponde au public accueilli.

L’Académie de Bouviers se donne comme mission la formation, la transmission et la valorisation de ce savoir, de cet art millénaire et mondialement reconnu.

Mise en place, organisation :

Nous avons choisi d’accueillir nos académiciens sur le créneau du samedi matin, d’octobre à mars, sur un panel d’environ 15 séances. Chaque matinée aura été préparée en amont avec une organisation précise, un thème, des outils, et le plus souvent possible des intervenants confirmés, en lien avec le thème abordé. Nous accueillerons les académiciens à partir de 14 ans, et sans limite d’âge pour les adultes. Pour effectuer toutes les manipulations des bovins en toute sécurité et dans un souci de participation active de nos académiciens, l’effectif sera limité à 8 personnes.

Nous n’avons pas la prétention de former des bouviers en un hiver de temps, mais plutôt de créer une approche pour certains et un approfondissement pour d’autres. Nous inculquerons une base commune pour le liage, le menage, et le dressage …, tout en expliquant que la traction bovine est riche, au point que chaque acteur participant à cet art y apporte sa touche, sa couleur et sa forme…

Synthèse des thèmes prévus en contenu de formation :

Nous commencerons par (re)découvrir le boeuf au pré en liberté, afin d’amener les académiciens à observer l’animal. Le but recherché est de provoquer une lecture instantanée des postures, des attitudes de l’animal en fonction de notre distance d’approche, de nos gestes et de nos attitudes. Cette séance se complétera en manipulant le boeuf à la corde.

L’alimentation et les soins seront abordés durant la seconde séance afin de parfaire l’apprentissage des besoins de l’animal. Nous souhaiterions également faire participer un intervenant sur la pratique de la maréchalerie bovine.

Les manières de lier, mener et dresser les bovins sont très variées, une séance sera donc consacrée aux outils et à tout l’environnement du bouvier ( dressage, jougs, aiguillons, dialectes, gestes et postures) afin que les académiciens se rendent compte de cette jolie diversité.

Suite à ces premières séances, les académiciens auront déjà pris en main les boeufs, les auront liés, menés et auront reçu un aperçu de ce qui entoure les boeufs et la traction. Durant les séances suivantes, nous aborderons avec eux la fabrication du joug, avec dans l’idéal un intervenant en taillage de joug, un autre pour le travail du cuir (ombier) et un autre également pour le travail du fer (timon, tétoire). Dans un souci de complémentarité et de besoin d’autonomie pour nos plus jeunes académiciens, nous instaurerons durant l’hiver des séances avec beaucoup de pratique. Durant celles-ci, ils seront amenés à fabriquer eux-mêmes des aiguillons, pratiqueront du travail de sol, du débardage, du dressage, du dariolage et seront amenés à faire une (des) sortie(s) afin d’aller à la rencontre de personnes qui utilisent ou qui sont en contact quotidiennement avec des boeufs de travail.

Pendant toute la saison d’hiver, les académiciens seront amenés à faire le parallèle avec le fil conducteur, le fil rouge de l’Académie qui sera l’arrivée d’une nouvelle paire de boeufs au printemps. Cela va nous permettre de concrétiser tous les apprentissages au long de la saison en découvrant la paire, en suivant à distance son dressage, éventuellement en commençant la taille d’un joug. Nous pensons important le fait de valoriser et d’impliquer les académiciens Puyfolais dans l’évolution de la traction bovine au Puy-du-Fou, afin que chacun puisse dessiner son avenir en tant que bouvier.

 

Rencontre internationale des bouviers à l’Ecomusée d’Alsace / 28 mai – 1 juin 2014, par Cozette Griffin-Kremer

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Rencontre internationale des bouviers à l’Ecomusée d’Alsace / 28 mai – 1 juin 2014

Les bouviers ont participé à la fête des 30 ans de l’Écomusée d’Alsace : Philippe Kuhlmann, avec ses deux Vosgiens attelés, en tête d’un cortège qui partait du siège du Conseil Régional à Colmar pour arriver à la place des Charpentiers au cœur de l’Écomusée, le jeudi ; puis une journée de travail chez Anne-Catherine et Philippe, le vendredi, et le samedi et dimanche retour à l’Écomusée.

Les bœufs en tête, suivis par un attelage de deux chevaux de trait Comtois et de deux tracteurs old-timer, on fait les 38 km de Colmar à l’écomusée, lancés sur la route par le Conseil Régional à Colmar en la personne du Président actuel, Charles Buttner, en présence de l’ancien président, Henri Goetschy. C’est le maire d’Ungersheim, Jean-Claude Mensch, qui a accueilli le cortège pour le déjeuner au milieu des festivités du week-end. Le Directeur de l’Écomusée, Eric Jacob, et le Président de l’Association, Jacques Rumpler, ont participé à ce périple à travers les villages, accompagnés par toute une équipe. Eric Jacob a rappelé que c’est le trio « Conseil Régional – Mairie – Association » qui est à l’origine du lancement de cette aventure qui a tant séduit les Alsaciens et tous leurs amis.

Reçus par Anne-Catherine et Philippe Kuhlmann chez eux à Soultzeren, les bouviers ont bénéficié d’une leçon particulière donnée par Philippe : une toute première expérimentation avec une machine, une sorte de chariot élévateur à traction bovine, mais à action double, car pouvant être tiré ou poussé. Idée géniale pour transporter des bottes de foin ou autres charges, et en hiver, pour actionner la pelle chasse-neige. Les participants ont pu mettre la main à la pâte pour atteler les bœufs, pour actionner le chariot, et même pour lui faire, illico, un second timon en bois. Philippe nous a régalés avec une démonstration de l’évolution de son harnachement, passant du classique joug de tête alsacien avec coussins, aux coussins améliorés, et à la dernière innovation, des coussins en feutre intégrés au joug. Le mécanicien fabricant du chariot était là pour inspecter le déroulement des essais et prévoir des modifications, tout comme le sellier-bourrelier qui fabrique les jougs et coussins pour Philippe. C’est Anne-Catherine avec les musiciens invités qui ont fait connaître, comme l’an dernier, les cornes alpines, après des interventions musicales traditionnelles plus familières et, bien entendu, un pique-nique convivial.

La séance d’expérimentation a alimenté la discussion du samedi, car chacun s’accordait à dire que la traction animale, surtout bovine, a souffert du fait que les équipementiers se sont détournés de la recherche suite à la mécanisation, juste au moment où les systèmes d’attelage eux-mêmes ont vu des avancées importantes. Si la FECTU (http://www.fectu.org/) promeut un équipement de pointe pour les chevaux de trait, il n’en est pas de même pour les bœufs, hélas, et le groupe espère encourager une reprise en compte des besoins des bovins. Philippe fait marcher son exploitation entièrement à la traction animale et insiste sur le fait que ce défi sollicite toute son ingéniosité, condition absolue pour la recherche sérieuse de solutions.

Le samedi et le dimanche des bouviers à l’écomusée ont été consacrés aux « travaux publics » pour participer à la fête – tirer divers véhicules, faire des démonstrations, échanger avec les spectateurs, passer à la télévision régionale – et aux leçons « privées », telles le débardage dans le bois de l’écomusée, et les nombreuses occasions de s’entraîner avec les attelages, et d’échanger sur des points spécialisés comme le ferrage, le choix des bêtes aptes au dressage, etc. Philippe propose des stages en traction bovine et les Kuhlmann ont des chalets pour vous héberger.

A.C. & Ph. KUHLMANN
Chemin du Londenbach
68140 SOULTZEREN
Tél. 03 89 77 44 46
Port. 06 86 26 09 33

http:lechaletvosgien.free.fr

Les participants se sont donné comme mission de renforcer la communication, tout comme d’étendre le réseau à d’autres intéressés parmi les agriculteurs, les bouviers « par passion », les employés de divers musées qui utilisent la traction bovine ou chevaline, les équipementiers, les débardeurs et les chercheurs tels que les spécialistes en éthologie, et autres ethnologues, historiens ou archéologues. Il faut savoir que que le Ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, a annoncé dans les pages de France Agricole qu’il a fermement l’intention d’épauler la promotion du cheval de trait et qu’il faut également le sensibiliser à la traction bovine. Aussi, n’oublions pas que les trois quarts des agriculteurs du monde utilisent encore la traction animale et que la place de ce travail dans les objectifs de développement durable lancés par les Nations-Unies est plus importante que jamais, vu la pression démographique pesant sur les sources alimentaires.

Il y a déjà un rapport détaillé en Allemand et en Anglais sur le site Internet du groupe de travail allemand (http://www.zugrinder.de/de/)

Rencontres des bouviers en Alsace 2014, articles des DNA

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Le boeuf de trait, par Marcel Vacher, annales de Grignon 1902

Voici un document de 1902 communiqué aimablement par Laurent Avon.

Nous le remercions une nouvelle fois pour sa collaboration.

Cliquez sur les images pour les agrandir.

Cliquez ici pour télécharger le PDF fichier pdf Le boeuf de trait -Marcel VACHER.

 

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Deux génisses rouergates parties faire leurs études à l’université de Méras en Ariège viennent de rentrer au pays.

Lionel Rouanet a écrit cet attachant texte qu’il nous communique.

Il nous propose cette belle tranche de vie d’un atteleur de bovins: Rénat Jurié, de la découverte du personnage, du choix des animaux, à l’attelage, en passant par les rencontres humaines, la fabrication du joug, du matériel ainsi que le dressage. L’ordinaire d’un bouvier, pour une expérience extraordinaire.

Il nous propose d’abord le texte en Occitan. En effet, il le trouve plus parlant dans sa langue d’origine, plus évocateur (pour qui pratique l’Occitan bien sûr!!). Il livre ensuite la traduction française qu’il a cherché à faire coller au maximum avec l’esprit du texte original.

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Doas borretas roèrgassas partidas far lors estudis a l’universitat de Méras en Arieja venon de tornar al pais.

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Laissac, freg matin de decembre 2012. Amb Renat ALIBERT sem convidats a participar a la fièira dels buòus grasses de Nadal per mostrar la fabricacion dels jocs. Renat trabalharà al capaisòl per n’acabar un, ieu contunharai a la pigassa lo que commencèri d’escapolar la velha per pas prene un rol tròp pesuc.

Quand arribam, los fraires BÒS son ja alai amb lor parelh domdes de Salèrs rotges, jonjuts, lo boièr davant. Un autre òme es amb eles. Aquel sembla pas brica parlar Francés. Pas res de plan estonant sus un fieiral del Nòrd Avairon, subretot per qualqu’un que pareis aver l’atge d’èstre retirat. En Roèrgue, per los de la siá generacion, l’occitan es la lenga mairala.

Nos arrestam per nos saludar, parlam un pauc, de tot e de res, del joc que foguèt l’obra de Renat quauques annadas abans. Conven plan ça dison. Malurosament, aquel es de bes e lo movement de la pèrgua l’a ja ben macat.

Dintram, e commençam de preparar ont anam trabalhar. Tanlèu que los aplèges s’animan, lo monde commençan de s’amassar puèi de pausar de questions. Aital, parlam mai que trabalham.

L’òme de la còla BÒS, lo que parlava pas qu’occitan, arribèt. Agachava. Tot aquò l’agradava, se vesiá. Entamenèrem la conversacion. Me diguèt qu’aviá de vacas, de marèlhas1 pardi, patin patan … D’un còp, me passèt pel cap qu’aviài ja ausit parlar d’un òme que podiá esser el. « Seriás pas lo Renat del costat de Vilafranca ? » li demandèri ? « E, si » respondèt un pauc estonat. La conversacion contunhèt. Èrem faches per nos endevenir sus plan de punts e commencèrem un pauc de nos amistosar. « … te caldrà passar … » me diguèt . Escambièrem nòstras adreças.

Aquel second Renat, ara retirat, èra professor d’occitan et d’inglés al licèu de Villafranca. Viu dins una borrieta amb tot l’aujam que cal, qualques cabras e subretot qualques vacas per son grand plaser.

Mens de dos meses apèi, per una polida matinada de febrièr, partiguèri chas el, al Mas del Molin. Las rotas pichonas qu’i menon, montan, davalan e aquel matin, son plan ennevadas. Vòli ensajar d’arribar sens botar las cadenas a las ròdas. Es pas aisit, d’autant mai que cerqui un pauc lo camin. Lo primièr còp vejèri pas lo panèu, m’enganèri ! Enfin arribat, l’endrech perdut dins lo Segalar naut es de tota beutat.

Renat me fa far lo torn, véser las siás vacas. Encontri Franc, son vesin, un dels sius ancians escolans.

1 Marèlhas : Vacas de dòas colors, nom balhat als “Aubràcs” en Roèrgue.

Renat me ditz que voldriá plan aver un parelh de vacas domdas, que i a un brieu qu’espèra aquò, qu’a justament doas vedèlas que podriàn far. Mas, se’n sent pas de domdar tot sol dempuèi la debuta. Li parli d’un amic, Olivier COURTHIADE, especialista de la question. « A ! Lo coneisses ?! Ai ausit parlar d’el, justament me disiái que caldriá que l’encontrèssi … »

Qualques meses apèi, per la prima, amb Renat, anam passar qualques jorns a Meràs, a costat de La Bastida de Seron, en çò d’Olivier, dins Arièja. L’un e l’autre son faches per esser amics. Tot en parlant, se rendon compte que venon mai o mens del meteis endrech. L’un ven d’Arnaud Bernat a Tolosa, lo quartier del mercat cobèrt e l’autre de Lalanda, just en amont, qu’èra encara en aquela epòqua pas tant luènha, lo vilatje dels ortalièrs.

Atal, dins lor enfanca, Olivier e Renat visquèron las memas causas que los marquèron : los passatges de las carriòlas dels ortalièrs que venián vendre al mercat cobèrt, de las darrièras veituras tiradas pels cavals que venguèron a Tolosa dusca qu’una lèi fòrabandiguesse la circulacion de las ròdas ceucladas de fèr sus las rotas bitumadas. De tot biais, mes a part lo cas de qualques vièlhs legumaires Lalandols « qu’avián pas volgut se modernisar », las automobilas avián ja plan remplaçat los cavals. Ara lo beton de Tolosa a capelat las ancienas tèrras fertilas dels jardins e los legumes venon d’un pauc mai luènh.

Los qualques jorns a Meràs passèron lèu, foguèt per Renat l’ocasion de se tornar acostumar al biais de menar las bèstias, e plan segur de demandar a Olivier se domdariá pas las joves vacas. Foguèt entendut que seriá fach a la davalada o pendant l’ivèrn, per que auriá una estagiàira de longa.

A la fin de l’estiu, èra ora per ieu de far lo joc per las borretas de Renat. Li demandèri de prene mesura. 10 poces e mièg me diguèt. 26 cm. Lo commencèri a Montmorillon per lo salon de la traccion animala ont èri estat convidat per far una animacion. Lo faguèri de 28 cm, un pauc pus bèl que lor profitèsse mai longtemps, coma van encara plan créisser. Subretot daissavi pro de boès, un pauc a l’encontra dels conselhs de Renat ALIBERT que totjorn cèrca a far de jocs lo mai leugièrs possible. Voliái que lo joc siaguèsse pro fòrt, que risquèsse pas de petar, emai se las bèstias encara joves butariàn pas tròp. Òm sap pas jamai ! En mai, per causa d’un canís vent d’autan pendant que se secava, d’asclas marridas i se faguèron et lo me calguèt bolonar.

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Preparèri tanben un parelh de julhas2 de bona longor e un parelh de redondas3, en suat coma dison los ancians ; es a dire, ara, en cuer cromat. Mas pas de cuèr cromat ordinari, de cuèr noirit, imbibat de seu e de parafina que cal tornissar tant qu’es caud apèi l’aver fach bolhir.

2 Julhas : correjas du cuèr que permetton de jónger e d’utilisar la força de traction de las bestias.

3 Redondas : anèls de cuèr o de fèr (mai moderna) ont passa la pergua. Segon las regions, son sonats tanben : ambiets o amblets, tresègas.

Mandra et Paleta, sonadas atal a causa de, respectivament, la color e l’embanura, arribèron a Meràs a la mièg decembre, menadas per un amic de Renat, lo paisan viatjaire del film : « Ici Najac, à vous la Terre », Henri.

Èran estadas patejadas, aquò es segur, amai « potonejadas », mas pas vertadierament cordejadas o menadas en man. Alavetz, las primièiras leiçons ont calià solament anar beure al nauc acompanhat per un òme que calià seguir al pas, foguèron puslèu dificiles. Calià quitament èstre dos! S’acabava de còps per una limpada dins la fanga ! Atal, foguèron escaissadas per un temps : “Las pofiassonas”.

Tornèri a Meràs per las vacancas de Nadal et agèri lo bonastre de participar al domdatge jol joc amb Olivier e Elwire l’estagiàira.

Lo primièr còp que las volguèrem jónger, foguèt pas aciut. Non pas que foguèsson marridas, non, pas brica ; mas un pauc violentas caquelà. Volián pas cap èstre jonjudas. Alara, i calguèt anar d’un biais pus redde. Sortiguèren pas aquel jorn, desjongèrem pas tanpauc …

Per la primièira sortida, boleguèron un pauc, mas pas res de plan missant. Apèi, òm pòt dire que tot se passèt plan per la marcha al joc. Caquelà contunhèron de far cagar cada matin per anar beure al nauc. Èra encara plan difficile d’o far tot sol. L’escais demorava.

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A partir de la seconda sortida, l’endeman, aprenguèron de tirar al prodèl4. De tirar leugièr, plan segur. Un pichon pneu d’autòmobila, puèi un mai bèl de vièlh tractur. Aqueste, foguèt lor carga costumièira per tres setmanas. Enfin, agèron dret a la pèrgua. Mas, pas la del tombarèl, la de la rabala, per pas prene de risques. I a pas rès de ben planièr a Meràs !

Foguèt pas Henri, mas Bernat, un amic de Renat tanben, manescal el, que venguèt, un dissabte per tornar menar las borretas en çò d’elas. Renat èra ja aquí dempuèi qualques jorns per commencar de s’acostumar a trabalhar amb sas vaquetas cambiadas pel domdatge. Arribat pel dinnar, Bernat s’agradèt del repaïs e totes quatre partiguèron just apèi.

Èra convengut amb Renat qu’aniriái chas el lo dimècres de seguida per l’ajudar. Voliá pas trop sortir las borretas tot sol a la debuta, e i aviá encara pas digús al Mas que o podiá far.

A Meràs, Olivier aviá domdat amb un dels sius vièlhs jocs, mas ara me caliá portar a Renat lo nòu, las julhas e las redondas, mas pas de mejana5 per que n’aviá una vièlha. Me li caliá prestar tanben ço qu’apelam un ponjòl, es a dire un timonet per qu’en Roèrgue naut, lo prodèl se pòt pas estacar directament al joc

4 Prodèl : Cadena de traccion, per tirar de boès per exemple.

5 Mejana: Fòrta correja de cuer amb una bocla coma una cencha que permet de penjar las redondas segon lo biais d’atelar roèrgat naut.

que n’a pas de cabilha centrala de fèr o “d’escarabat”6. S’estaca donc al pontsòl qu’es penjat a las redondas.

Per aquela primièra sortida aquí ont èran nascudas, i aviá pro de monde per las agachar : Franc, Crestian lo teulièr e sa còla dont Eva que viu al Mas ela tanben, Gilles lo fabre e los dos joves estagiàires alemands : Anne e Theò (Theò foguet qualques meses un escolan de Renat). Es a dire qu’èra tanben una jornada de trabalh, d’ajuda per copar los arbres que la tempèsta de juilhet passat, desraiguèt o desplombèt. La castanhal avià gaireben desapareguda, los fauces e los casses eles tanben avián cargat. Èra un espectacle de desolacion !

Apèi lo dinnar, totes volguèron véser la novèla primièira mesa al joc de las vaquetas abans de tornar trabalhar al boès.

Renat passèt commanda a Gilles per de ferruras d’estacas que caldriá sagelar al dessus de la pòrta de l’estable, de cada costat amb un barra entr’elas per noetar las còrdas.

Mandra e Paleta, manhagas, se daissèron jónger aisidament amb aqueste joc nòu. Tombèt plan, mas a la fin de la jornada tirèri un pauc de boès a la suca7 de cada bèstia per que lor toquèsse pas als tufets. Èra tròp just. Cal poder passar lo cralhon entremièg.

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Renat preferèt que marchèssi davant, a la debuta, par encas qu’agèsson un pauc tròp de sanqueta ; el, butava de darrèr. Anèrem pel camin de tèrra, aval apèi lo riussèl. Pro long, monta doçament, los costats plan bòrdats per de parets o de randals. Impeccable per domdar. Mandra e Paleta, per pas anar per res, tiravan un vielh cèucle que fasiá coma una èrsa per l’èrba. Faguèrem qualques anar-tornar. Renat passèt davant, puèi cambièrem de camin e enfin nos’n tornèrem. I agèt pas brica de marrit movement de cap quand desjongèrem. Pas besonh de dire que Renat èra encantat, e que Mandra e Paleta agèron lor sadol de compliments, çò que calià de patejadas e plan segur, un brave punhat de farina caduna. Èra pas pus question de pofiassonas.

Dempuèi que lo Mas del Moulin esperava aquò : doas borretas marèlhas, la raça del país, nascudas a l’estable e ara domdas o pauc se’n manca. I aviá un trentenat d’annadas que lo passatge entre los dos ostals aviá pas vist aquò. E encara, abans Renat, lo vielh qu’aviá gardat de vacas de trabalh tant que poguèt, foguèt un dels darrèrs de la region. Dins plan d’autras bòrias, i aviá ja mai de vint ans que buòus o vacas de trabalh avián desaparegut.

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Lo ser, lo sopar foguèt coma una fèsta.

Tot aquò me fasiá pensar a un film que m’agradèt quora èri mainatge, amai me pivelèt podriái dire. Un film de Pagnòl d’apèi un libre de son amic Giònò : « Regain ». Aquel jorn, al Mas, era lo “regain” tant esperat per Renat, Crestian e lors amics.

6 Escarabat : Nom balhat, dins certanas regions dels pirenèus, a la mena de mejana de fèr a causa de sa semblança amb las mandibulas del babau.

7 Suca : Partida del joc que capela lo tufet

Lo tresen còp qu’anèri ajudar a sortir las vacas, Renat podià pas èsser aquí. Jongèrem amb Theò. Dempuèi qu’èra arribat qualques meses abans, s’èra acostumat a las vacas per las apasturar e desfumar. N’en avià pas paur. Menar l’interessava, voliá aprene. Alara, passèt un pauc davant e se debrolhèt plan per una debuta. Las borretas quand a elas, tirèron de rols de boès. Primièr còp d’una longa sería.

Son de còps los borrons los mai amagats jos la rusca qu’espelisson e que balhan lo boes novèl.

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Partidas d’un joc roèrgat :

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1 : Banèiras

2 : Suca

3 : Capet

4 : Trauc per la mejana

5 : Maissas

6 : Capièira

7 : Camin de passatge de las

julhas cap al front o a las banas.

8 : Camin de passatge de las julhas dempuèi l’arrèr cap a las banas o viceversa.

9 : Catèl o coeton, ont se fa lo noèt final per acabar de ligar.

Lionel Rouanet.

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Voici la traduction en Français que nous propose Lionel.

Deux génisses rouergates parties faire leurs études à l’université de Méras en Ariège viennent de rentrer au pays.

Laissac, froid matin de décembre 2012. Avec René ALIBERT nous sommes invités à participer à la foire des bœufs gras de Noël pour montrer la fabrication des jougs. René travaillera à l’herminette pour en achever un, moi, je continuerai à la hache celui que je commençai de tailler la veille afin de ne pas prendre un morceau trop lourd.

Quand nous arrivons, les frères BOS sont déjà là avec leur paire de Salers rouges dressés, joints, le bouvier devant. Un autre homme est avec eux. Celui-ci ne semble pas parler français du tout. Rien de bien étonnant sur un foirail du Nord Aveyron pour quelqu’un qui paraît avoir l’âge de la retraite. En Rouergue, pour ceux de sa génération, l’occitan est la langue maternelle.

Nous nous arrêtons pour dire bonjour, parlons un peu, de tout et de rien, du joug qui fut l’œuvre de René quelques années avant. Il convient bien, disent-ils. Malheureusement, celui-ci est en bouleau et le mouvement du timon l’a déjà bien entamé.

Nous entrons et commençons de préparer le poste de travail. Aussitôt que les outils s’animent, les personnes commencent à venir voir, puis poser des questions. Ainsi, nous parlons plus que ce que nous ne travaillons.

L’homme de l’équipe BOS, celui qui ne parle qu’en occitan, arriva. Il regardait. Tout cela lui plaisait, ça se voyait. Nous entamâmes la conversation. Il me dit qu’il avait des vaches, des marèlhes1 pardi, patin coufin … D’un coup, il me passa par la tête que j’avais déjà entendu parler d’un homme qui pourrait être lui. “Tu ne serais pas le Rénat du côté de Villefranche” lui demandai-je. “Eh si” répondit-il un peu étonné. La conversation continua. Nous étions faits pour nous entendre sur bien des points et nous commençâmes à sympathiser. “… Il te faudra passer…” me dit-il. Nous échangeâmes nos adresses.

Ce second Rénat (René) était professeur d’occitan et d’anglais au lycée de Villefranche. Il vit dans une petite ferme avec toute la volaille qu’il faut, quelques chèvres et surtout quelques vaches pour son grand plaisir.

Moins de deux mois après, par une jolie matinée de février, je partis chez lui, au Mas del Mouly. Les petites routes qui y mènent, montent, descendent et ce matin-là, sont bien enneigées. Je veux essayer d’arriver sans mettre les chaînes aux roues. Ce n’est pas facile, d’autant plus que je cherche un peu le chemin. Le premier coup, je ne vis pas le panneau et me trompai. Enfin arrivé, l’endroit perdu dans le Ségala haut est de toute beauté.

Rénat me fait faire le tour, voir ses vaches. Je rencontre Franc, son voisin, un de ses anciens élèves.

1 Marèlhes : Mot dérivé de l’occitan. Vaches de deux couleurs, nom donné aux Aubracs en Rouergue.

Rénat me dit qu’il voudrait bien avoir une paire de vaches dressées, qu’il y a un moment qu’il attend ça, qu’il a justement deux vèles qui pourraient faire. Mais il ne se sent pas de dresser du début. Je lui parle d’un ami, Olivier COURTHIADE, spécialiste de la question. “Ah ! Tu le connais ?! J’ai entendu parler de lui, justement, je me disais qu’il faudrait que je le rencontre”.

Quelques mois après, pour le printemps, avec Rénat, nous allons passer quelques jours à Méras, à côté de Labastide de Sérou, chez Oliver, dans l’Ariège. L’un et l’autre sont faits pour être amis. Tout en parlant, ils se rendent compte qu’ils viennent plus ou moins du même endroit. L’un vient d’Arnaud Bernard à Toulouse, le quartier de la halle, et l’autre de Lalande, juste en dessus, qui était encore à cette époque pas si lointaine, le village des maraîchers.

Ainsi, dans leur enfance, Olivier et Rénat vécurent les mêmes choses qui les marquèrent : les passages des carrioles des jardiniers qui venaient vendre au marché couvert, des dernières voitures à chevaux qui vinrent à Toulouse jusqu’à ce qu’une loi interdise la circulation des roues cerclées de fer sur les routes bitumées. De toute façon, mis à part le cas de quelques vieux maraîchers Lalandols “qui n’avaient pas voulu se moderniser”, les automobiles avaient déjà bien remplacé les chevaux. Maintenant le béton de Toulouse a recouvert les anciennes terres fertiles des jardins et les légumes viennent d’un peu plus loin.

Les quelques jours à Méras passèrent vite, ce fut pour Rénat l’occasion de se réhabituer à la façon de mener les bêtes, et bien sûr de demander à Olivier s’il ne débourrerait pas les jeunes vaches. Il fut entendu que ce serait fait à l’automne ou pendant l’hiver, parce qu’il aurait une stagiaire longue durée.

À la fin de l’été, il était temps pour moi de faire le joug pour les génisses de Rénat. Je lui demandai de prendre mesure. « 10 pouces et demi » me dit-il. 26 cm. Je le commençai à Montmorillon pour le salon de la traction animale où j’avais été invité pour faire une animation. Je le fis de 28 cm, un peu plus grand afin qu’il leur profite plus longtemps, comme elles vont encore bien grandir. Surtout je laissais assez de bois, un peu à l’encontre des conseils de René ALIBERT qui toujours cherche à faire des jougs les plus légers possible. Je voulais que le joug soit assez fort, qu’il ne risque pas de casser, même si les bêtes encore ne forceraient pas trop. On ne sait jamais ! En plus, à cause d’un mauvais vent d’Autan, pendant qu’il se séchait, de méchantes fentes apparurent et il me fallut le boulonner.

Je préparai aussi une paire de juilles2 de bonne longueur et une paire de redoundes3 en suat comme disent les anciens ; c’est-à-dire, maintenant en cuir chromé. Mais pas en cuir chromé ordinaire, en cuir nourri de suif et de paraffine qu’il faut tordre tant qu’il est chaud après l’avoir fait bouillir.

2 Juilles : courroies de cuir qui permettent de lier et d’utiliser la force de traction des bêtes.

3 Redoundes : anneaux de cuir ou de fer (plus moderne) où passe le timon. Selon les régions, ils sont appelés aussi : ambiets, amblets ou trézègos.

Mandre et Paléte, appelées ainsi à cause de, respectivement, la couleur (renard) et l’encornure (plate), arrivèrent à Méras à la mi-décembre, menées par un ami de Rénat, le paysan voyageur du film « Ici Najac, à vous la Terre », Henri.

Elles avaient été touchées, ça c’est sûr, « coucounées » même, mais pas vraiment menées en main à la corde. Alors, les premières leçons, où il fallait seulement aller boire à l’abreuvoir accompagné par un homme qu’il fallait suivre au pas, furent plutôt difficiles. Il fallait même être deux ! Cela s’achevait parfois par une glissade dans la boue ! Ainsi furent-elles surnommées pour un temps : “ les pouffiassounes”.

Je revins à Méras pour les vacances de Noël et eu la chance de participer au dressage au joug avec Olivier et Elwire la stagiaire.

La première fois que nous avons voulu les joindre, ce ne fut pas commode. Non pas qu’elles furent méchantes, non, pas du tout ; mais un peu violentes cependant. Elles ne voulaient pas du tout être jointes. Alors, il fallut y aller d’une manière plus rude. Elles ne sortirent pas ce jour-là, elles ne furent pas non plus déliées …

Pour la première sortie, elles remuèrent un peu, mais rien de bien méchant. Après, on peut dire que tout se passa bien pour la marche sous le joug. Cependant, elles continuèrent de faire caguer chaque matin pour aller boire à l’abreuvoir. C’était encore bien difficile de le faire seul. Le surnom demeurait.

À partir de la seconde sortie, le lendemain, elles apprirent de tirer au proudel4. De tirer léger, bien sûr. Un petit pneu d’automobile, puis un plus grand de vieux tracteur. Ce dernier, fut leur charge coutumière pour trois semaines. Enfin elles eurent droit au timon. Mais pas celui du tombereau, celle du traîneau afin de ne pas prendre de risques. Il n’y a rien de bien plat à Méras !

Ce ne fut pas Henri, mais Bernard, un ami de Rénat aussi, maréchal lui, qui vint, un samedi pour ramener les deux génisses chez elles. Rénat était déjà là depuis quelques jours pour commencer de s’accoutumer à travailler avec ses vachettes changées par le dressage. Arrivé pour le dîner, Bernard se régala du repas et tous les quatre partirent juste après.

Il était convenu avec Rénat que j’irais chez lui le mercredi suivant pour l’aider. Il ne voulait pas trop sortir les génisses tout seul au début et il n’y avait encore personne au Mas qui pouvait le faire.

À Méras, Olivier avait dressé avec un de ses vieux jougs, mais maintenant il me fallait porter à Rénat le neuf, les juilhes et les rédoundes, mais pas de méjane5 car il en avait une vieille. Il me fallut aussi lui prêter ce qu’on appelle un pountsol, c’est-à-dire un court faux-timon car en Rouergue Haut, le proudel ne peut pas s’attacher directement au joug qui n’a pas de cheville centrale de fer ou “d’escarabat” 6. Il s’attache donc au pountsol qui est pendu aux rédoundes.

Proudel : Chaîne de traction, pour tirer du bois par exemple.

5 Méjane: Forte courroie de cuir avec une boucle comme une ceinture qui permet de pendre les rédoundes selon la manière d’atteler nord aveyronnaise.

6 Escarabat : Nom donné, dans certaines régions des Pyrénées, à l’espèce de méjane de fer à cause de sa ressemblance avec les mandibules de l’insecte.

 

Pour la première sortie là où elles étaient nées, il y avait assez de monde pour les regarder : Franc, Christian le lauzier et son équipe dont Eve qui vit au Mas elle aussi, Gilles le forgeron et les deux jeunes stagiaires allemands : Anne et Théo (Théo fut quelques mois un élève de Rénat). C’est-à-dire que c’était aussi une journée de travail, d’aide pour couper les arbres que la tempête de juillet passé, déracina ou déplomba. La châtaigneraie avait quasiment disparu, les hêtres et les chênes eux aussi avaient chargé. C’était un spectacle de désolation!

Après le dîner, tous voulurent voir la nouvelle première mise au joug des vachettes avant de retourner travailler au bois.

Rénat passa commande à Gilles pour des ferrures d’attache qu’il faudrait sceller au-dessus de la porte de l’étable, de chaque côté avec une barre entre elles pour nouer les cordes.

Mandre et Paléte, douces, se laissèrent joindre aisément avec ce joug neuf. Il tomba bien, mais à la fin de la journée, il me fallut tirer un peu de bois à la suco7 de chaque bête pour qu’il ne les touche pas aux chignons. Il était trop juste. Il faut pouvoir passer un crayon dans l’intervalle.

Rénat préféra que je marche devant, au début, au cas où elles auraient eu un peu trop de “jus” ; lui, poussait de par derrière. Nous sommes allés par le chemin de terre, en bas après le ruisseau. Assez long, il monte doucement, les côtés bien bordés par des murets ou des haies. Impeccable pour dresser. Mandro et Paléte pour ne pas partir à vide, tirèrent un vieux cercle qui faisait comme une herse par l’herbe. Nous fîmes quelques allers-retours. Rénat passa devant, puis nous changeames de chemin et enfin somme rentrés. Il n’y eu pas le moindre mauvais mouvement de tête quand nous avons délié. Pas besoin de dire que Rénat était enchanté, et que Mandre et Paléte eurent leur content de compliments, ce qu’il fallait de caresses et bien sûr, une bonne poignée de farine chacune. Il n’était plus question de pouffiassounes.

Depuis que le Mas del Mouli espérait cela : deux génisses Aubracs, la race du pays, nées à l’étable et maintenant dressées ou peu s’en manque. Il y avait une trentaine d’année que le passage entre les deux maisons n’avait pas vu cela. Et encore, avant Rénat, le vieux qui avait gardé des vaches de travail tant qu’il put, fut un des derniers de la région. Dans bien d’autres fermes, il y avait déjà plus de vingt ans que bœufs et vaches de travail avaient disparu.

Le soir, le souper fut comme une fête.

Tout cela me faisait penser à un film qui me plut quand j’étais enfant, me fascina, pourrais-je même dire. Un film de Pagnol d’après un livre de son ami Giono : « Regain ». Ce jour-là, au Mas, c’était le “regain” tant espéré par Rénat, Christian et leurs amis.

7 Suco : Partie du joug qui coiffe le chignon.

La troisième fois que j’allais aider à sortir les vaches, Rénat ne pouvait pas être là. Nous joignîmes avec Théo. Depuis qu’il était arrivé quelques moins avant, il s’était habitué aux vaches pour les apâturer et leur tirer le fumier. Il n’en avait pas peur. Mener l’intéressait, il voulait apprendre. Alors, il passa un peu devant et se débrouilla bien pour un début. Les génisses quant à elles, tirèrent des troncs. Première fois d’une longue série.

 Se sont parfois les bourgeons les mieux cachés sous l’écorce qui éclosent et donnent le bois nouveau.

Dénomination des différentes parties d’un joug occitan, Rouergat en l’occurence:

fig1o

Les différentes parties numérotées sur la figure 1 sont listées ci-dessous avec leur nom en Français, puis en Occitan, suivi entre parenthèses de la prononciation.

1) Embanures – Baneiras (baneïros).

Logements destinés à recevoir les cornes. Les embanures ont un rôle de mise en position de la tête de chaque bovin l’un par rapport à l’autre. ce sont les « surfaces de références ».

2) Suca (suco), pas de nom utilisé en Français.

La suco coiffe le chignon de chaque bête mais ne doit pas le toucher.

3) Capet (capét), pas de nom utilisé en Français.

C’est la partie du joug au dessus de chaque tête. Comme bien d’autres parties du joug, elle doit être aussi mince que possible afin de conférer de la légèreté à l’ensemble.

4) Trou de passage pour la méjane – Mejana (médjano).

5) Joues – Maissas (maïssos).

Les joues viennent contre les oreilles de la bête, rabattues sur l’arrière. Les oreilles ainsi plaquées, mais non serrées, permettent de faire amortisseur entre le crâne et le joug. 

6) Capière – capièira (capièiro).

Ce sont tout simplement les emplacements qui reçoivent la tête des bêtes. Les joues font partie des capières.

7) Chemin de passage des courroies vers le front et vers les cornes.

Les courroies sont souvent appelées juilles dans le Midi, par dérivation du nom occitan julhas (julios).

8) Chemin de passage des courroies depuis les cornes vers l’arrière (ou vice-versa) afin qu’elles fassent le tour du joug.

9) Catel ou tenon – catel (catel) ou coeton (couetou)

Il y en a un de chaque côté. Ils permettent de terminer de lier les juilles, en les y nouant par deux demi-clefs.

Pour plus d’informations, consultez l’article « Géométrie des jougs occitans » sur le site « Attelages bovins d’aujourd’hui » en cliquant ici

Lionel Rouanet

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Un grand merci à Lionel Rouanet pour sa collaboration continue  et son soutien au site.

Du joug double, Max Ringelmann, 1906

Un document ancien de 1906 communiqué aimablement par Laurent Avon.

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