René Alibert, dernier jougtier professionnel d’Occitanie a rejoint ses aïeux, par Lionel Rouanet.

rené alibert portrait ok ok. dernier jougtier professionnel

Hommage à celui qui m’a enseigné son Art 

C’est avec tristesse, mais sans surprise, que je viens d’apprendre ce samedi matin, la disparition de René Alibert le dernier jougtier professionnel, voici déjà une semaine. Il nous a quitté le vendredi 25 Août, à l’âge de 90 ans.

René, depuis un peu plus d’un mois, avait vu son état général, se dégrader rapidement.

Fils d’un jougtier professionnel, il avait été lui-même jougtier de métier au côté de son père durant son jeune âge. Puis, bœuf, vaches, chevaux et autres mules, débauchés rapidement par la croissance fulgurante de l’ère motorisée, René dû poser et remiser la piasso et lou capaïssol : la hache et l’herminette. Il resta cependant « dans le bois », mais ses copeaux changèrent de forme, ainsi que d’odeur.

Une fois à la retraite, il dépoussiéra les outils manuels. Des jougs neufs se remirent à naitre de ses mains, assurant la relève de ceux qui depuis trop longtemps dans l’attente d’un peu de soleil juché sur un chignon d’Aubrac, avaient vu leur fonctionnalité altérée par les « cussous » (vrillettes).

Chez lui, à Laissac, dans le Nord Aveyron, entre Monts du Lévezou et Causse, René n’était pas seulement connu pour ses jougs. Infatigable, il était très apprécié de tous pour son implication bénévole dans différents domaines. Il fut musicien à la « clique », pompier, avait participé à la vie d’un musée local, aidait le mardi matin au foirail … Mais surtout, René, c’était un jardinier, occupation qu’il garda jusqu’à ses derniers jours de validité.

Sortant de sa bouche, le mot travail, n’avait pas tout à fait le sens habituel. Pour lui, le travail, c’était l’occupation qui permet de vivre, simplement, l’Oeuvre ; que ce soit cultiver la terre, récolter, soigner lapins et volailles, transformer, bricoler … et bien sûr tailler des jougs. Chose qu’il fit, si je ne me trompe pas, jusqu’à l’hiver où il fêta ses 88 ans. Il avait encore la souplesse et la force juste nécessaire, la technique faisait le reste.

René avait un sourire joyeux. Néanmoins, ces dernières années, une forme de tristesse le gagnait parfois. Lui qui aimant tant la nature, répétait souvent : « on est allé trop loin, on a trop abimé de choses, y a qu’à voir … »

Une partie de ses gestes a été archivée par un film documentaire de Gilles Charensol : Le bois : Gestes d’Artisans.

Georgette, sa sœur, m’a dit ce matin au téléphone qu’elle lui souhaitait un paradis entre autre plein de fleurs, car il les aimait beaucoup. En mon nom, et j’espère pouvoir dire au nom de tous les proches du milieu des bouviers et paysans, je lui souhaite de même.

Lionel Rouanet, son ultime apprenti.

rené alibert fête de Laissac 2010

6 réflexions au sujet de « René Alibert, dernier jougtier professionnel d’Occitanie a rejoint ses aïeux, par Lionel Rouanet. »

  1. Merci Lionel,
    Je n’ai pas eu la chance de connaître René Alibert si ce n’est par tes propos sur son art, qu’il t’a transmis. Il a donc été un « trésor vivant ». Je suis sûre qu’il a été heureux de te voir reprendre le flambeau avec ta grande ferveur.
    D’accord pour les fleurs les plus naturelles, bien sûr.
    Nicole

  2. toutes nos sincères condoléances . malgré tout , le savoir de ce monsieur perdurer.

  3. C’est difficile de s’exprimer sur la disparition d’un dernier ou d’un des derniers surtout lorsqu’on l’a rencontré, lui a serré la main, l’a regardé travaillé et eu recours à lui comme à une sorte d’expert dans une activité très particulière et cantonnée à un cercle très restreint.
    Cela a été mon cas il sept ou huit ans, je n’ai pas la date exacte.

    A deux reprises je suis descendu de ma Haute Normandie en Aveyron une première fois pour faire l’acquisition de deux jougs neufs après avoir abandonné l’idée d’utiliser des jougs ‘de brocante’, puis une seconde fois pour l’ajustement que je n’arrivais pas à faire seul.
    C’est lors de ce second voyage que j’ai découvert M. R. Alibert.

    Après plusieurs discussions téléphoniques et échanges de courrier avec photos, j’ai du me rendre à l’évidence que je ne pourrais ajuster seul le joug sur un de mes bœufs bretons qui avait un cornage pour le moins particulier comme M.R. Alibert le reconnut en le voyant.
    Alors une nuit de juin, j’ai chargé mes deux bretons pie noire dans le van à deux heures du matin et nous sommes descendus chez «René» qui avait tout préparé.
    Ce fut une tout de même expédition avec un arrêt forcé sur un terrain de football vers Riom car les bœufs s’étaient détachés et retournés dans le van prêts à sortir car souffrant de la chaleur. Mais après un peu de marche et de bouses sur le terrain tout était rentré dans l’ordre et nous avons repris l’autoroute pour Laissac. Cela l’avait bien fait rire.

    Nous avons passé deux jours sur place dans une étable prêtée pour l’occasion à sa demande, avec une tonne à eau à disposition, et du foin, et l’autorisation pour moi de coucher dans l’étable.
    Une matinée fut nécessaire pour ajuster le joug, adapter le liage et le coussin et finalement entendre un sans appel de la part de «René» ‘Non ce n’est pas la peine, c’est bon’ qui répondait à ma demande de faire un dernier test suite à sa correction finale du joug!
    Il est venu me dire au revoir le soir après avoir repiqué un cent de salades pour ses poulets, ce qui leur donnait un goût délicieux au vu du geste qu’il fit en regroupant ses doigts devant sa bouche. Nous avons encore parlé bœufs et puis il est rentré et moi je suis reparti vers le Nord quelque heures plus tard de très bonne heure le lendemain matin.

    Ce qui m’a frappé chez «René» c’est qu’il y avait toujours quelqu’un pour répondre voire prévenir ses demandes. Beaucoup sont venus voir mes bœufs mais tous étaient là pour lui, pour faire ce qu’il ne pouvait pas faire, le soutenir. Il était entouré et aidé d’une façon presque naturelle comme si cela lui était du par respect pour ce qu’il était ou représentait et surtout, je pense, avait vécu et savait faire.
    L’entourage et l’aide que beaucoup lui donnait plus que volontiers m’a impressionné.
    «Se plier en quatre» n’a jamais eu autant de signification pour le soutien dont il bénéficiait. «René» était réellement très entouré.
    Je me souviens aussi du plaisir qu’il m’avait dit avoir des contacts qu’il avait avec les gamins de l’école proche de sa maison.
    Je voudrais dire ici à sa sœur, à tout cet entourage dont il a bénéficié et que j’ai pu rencontré combien j’ai apprécié de rencontrer M. R. Alibert ainsi qu’eux mêmes.

    Aujourd’hui, il me reste deux jougs signés qui font merveille et continuer à les utiliser me semble être le meilleur hommage que je puisse faire à «René».
    Frédéric Iehlé

  4. Autrefois Le Couserans adresse ses sincères condoléances à toute la famille.Merci Monsieur René ALIBERT pour avoir continué à perpetuer votre metier.
    Merci a Lionel Rouanet pour avoir relayé l’info

  5. J’ai photographié Monsieur AIlbert René en juillet2016.
    Notre première rencontre été dans son jardin.
    Il était un homme simple, aimable et généreux. Il aimait
    aussi beaucoup la nature. Je lui souhaite un paradis qui
    ressemble à son Aveyron. Mr Alibert René avec Mr Marius Saint Léger ont transmis la mémoire et le savoir faire de nos anciens.
    Je fais mes condoléances à toutes sa famille et à sa soeur.

  6. bonjour à tous.je recherche une hache de jouguier pour une future expo sur les métiers du bois merci àtous .

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *