__________________________________
Cet article est le premier d’une série de deux. J’ai rédigé le premier à propos d’une fabrication expérimentale en bois contre-collé.
Le second, pour faire écho à ce premier article, traitera des jougs massifs et paraîtra dans quelques jours. C’est Lionel Rouanet, jeune jougtier aveyronnais qui l’a rédigé.
Michel Nioulou
___________________________________________________
La fabrication de jougs en bois contre-collés
Le joug est la pièce maîtresse d’un attelage de bovin.
De la taille à l’ajustage, sa réalisation nécessite un travail fastidieux et précis.
J’ai déjà réalisé de nombreux jougs du type « Charollais découpés » appelés ainsi parce qu’ils présentent un corps central aux formes arrondies et élégantes, et par opposition aux jougs dits « droits », taillés dans une section triangulaire qu’on trouve aussi dans la région, et assez similaires aux jougs droits du Morvan.
Joug découpé Charollais
Jougs droits Charollais
Ma pratique en autodidacte ne me place pas ici en artisan parfait et aguerri aux techniques rodées depuis des décennies, comme peuvent l’être René Alibert, Marius Saint-Léger et plus récemment Lionel Rouanet. Ma contribution à la fabrication actuelle de jougs de travail reste modeste, mais il me semblait peut-être intéressant de présenter une fabrication non conventionnelle que j’ai mise en œuvre.
Utilisation de bois contre-collés
Une demande de fabrication d’un gros joug de bœuf (18 kg) d’un modèle du Velay en Haute-Loire m’a amené à tester l’utilisation de bois contre-collés pour la réalisation d’un joug de travail (débardage surtout).
Les jougs Charollais nécessitent des pièces de bois de sections modestes de 15 X 15cm et l’approvisionnement en bois ne posait jusqu’alors que peu de soucis.
Mais devant la problématique de trouver une pièce de bois de 25 X 25cm par 165 cm de long, pour réaliser le joug du type « Velay », j’ai décidé de tenter de le réaliser en bois contre-collé.
Outre le fait que les formes sont fortes et épaisses, le joug de bœuf à réaliser, présente contrairement au joug Charollais, la particularité d’avoir les têtières positionnées selon des angles aussi bien dans sa longueur que dans sa vue de face.
Les jougs aveyronnais en particulier, présentent aussi cette caractéristique qu’on ne retrouve pas ici en Bourgogne.
Du fait de ses alignements avec angles, la section initiale se trouve augmentée.
De plus, à contrario des jougs charollais qui ont des logements ne prenant que le quart supérieur de la corne, la prise aux cornes du joug du Velay est réalisée par des logements qui prennent la moitié arrière des cornes, ce qui augmente d’autant la taille nécessaire de bois vers le bas du joug.
Choix de la réalisation :
Pour la fabrication, deux options « classiques » étaient possibles.
- Travailler traditionnellement avec une bille en vert en plaçant le cœur le plus possible sur un côté.
- Travailler à partir d’une section sciée hors cœur pour limiter le fendage.
Dans les deux cas :
→ la bille doit être de section conséquente
→ le risque de fendage au séchage est important.
Face à ces contraintes, surtout celle de trouver une section suffisante, j’ai décider d’opter pour une troisième solution, celle de travailler en bois sec contre-collé.
Ceci m’a permis de contourner le problème de la section et du bois qui fend au séchage.
On peut se permettre aussi d’utiliser des planches ou des plateaux qui ne sont pas nécessairement parfaits. Le fait de les coller, de contrarier les fils du bois et les forces entre chaque pièce, donne un résultat final d’une pièce de bois stable et de bonne tenue.
La réalisation.
Les plateaux et / ou les planches sont dressés puis collés à la colle polyuréthane et mis en presse pendant 24 heures.
Ensuite, contrairement à ce que pratiquent Lionel Rouanet et René Alibert, le joug est tracé avec des gabarits réalisés à partir des modèles d’origine en adaptant les têtières à la taille finale souhaitée.
Gabarits du joug « Velay »
Gabarits du joug « Charollais »
Sur la hauteur du joug, les plateaux sont placés sur champs (la face du joug présente la face des plateaux) afin de garder au maximum une continuité de fil sur la longueur, plateau par plateau.
Puis, comme pour un joug massif, intervient la taille de dégrossi réalisée mécaniquement (scie à ruban, tronçonneuse), puis la taille de finition réalisée à la hache, herminette, plane, ciseaux, gouges et râpes.
Pour avoir rencontré les enfants de la famille de jougtiers Clément / Michel de Charolles, hormis l’utilisation de la tronçonneuse, la réalisation des jougs charollais suivait ces étapes de fabrication : travail sur bois sciés en section, tracés aux gabarits, taille de dégrossi mécanique puis taille de finition manuelle.
A la différence des jougs massifs, les jougs en contre-collés sont directement boulonnés à la fabrication au niveau du corps central autour du point de traction et éventuellement sur les têtières afin d’assurer au maximum la solidité de l’ensemble.
Par sécurité, au niveau des parties les plus fragile aux fortes découpes comme le bas des passages de liens ou le haut des logements des cornes, des chevilles collées en force sont positionnées afin d’éviter, sur un choc, la rupture sur le fil du bois.
Il faut noter que de telles faiblesses peuvent être de la même façon la cause de ruptures sur un joug en massif.
Mais on peut penser qu’avec ce type de fabrication, du fait du croisement des fils de plusieurs plateaux contre-collés, le risque de telles ruptures peut être diminué.
Une mise en peinture à la peinture traditionnelle (pigments, huile de lin, blanc de Meudon et essence de térébenthine), permet de protéger le joug de la pluie. La peinture traditionnelle, contrairement aux peintures modernes, ne pellicule pas, ne cloque pas et ne se décolle pas, car elle pénètre bien la fibre du bois.
De plus, esthétiquement, les pigments présentent des couleurs profondes incomparables.
Une fois terminé, le joug a été ajusté sur les deux gros bœufs Aubracs de Marcel Margerit à la Roche-sur-Foron (74). Cliquez ici pour voir.
Il travaille avec le joug sans problème depuis presqu’un an (débardage, labour, charrois).
Un second joug en contre-collé a été réalisé selon un modèle « Charollais » légèrement modifié sur demande au niveau du corps central. Son utilisation en Corrèze depuis six mois avec des bœufs Limousins en dressage n’a pour le moment posé aucun problème de stabilité (solidité et fente).

Même si cette fabrication n’est pas des plus traditionnelles, elle est le fruit de contraintes qui poussent à trouver une solution pour les dépasser.
Il n’est pas si fréquent qu’on réfléchisse aujourd’hui sur une problématique appliquée à la fabrication d’un joug de bœuf.
Je ne sais pas si cette solution est la panacée et si elle est révolutionnaire (loin de là je pense!!), mais cette expérimentation a, pour le moment, donné une réelle satisfaction de fabrication, d’utilisation et de stabilité.
Surtout, elle résout pour ma part, le soucis de l’approvisionnement en grosses pièces de bois tout en évitant les problèmes de fentes des bois post-fabrication.
Affaire à suivre…
Michel Nioulou
















Bravo Michel!
j’aimerai vous envoyer les pièces de ferronnerie venant d’un joug complètement fusé. Si vous me donnez votre mail, je vous mets les photos avec. Ou préférez vous que j’envoie le tout. Il devait être magnifique.Personnellement, j’essaie de transmettre notre patrimoine avec mes chevaux , et je travaille dans la vigne avec mes jujus de trait. Je ne connais pas son origine. Je suis dans l’Ain.Cordialment.
BONJOUR
JE POSSÉDÉ 2 JOUGS
1 FAIT PAR MON ARRIERE GRAND PERE DANS L AUBRAC DATANT DE 1880 ET QUI A TRAVAILLER ET UN NEUF FAIT PAR MON PERE
FAIT VERS 1990 ET 2 RECONSTITUTION D ATTELAGE 1 TOMBEREAU ET UN CHAR A FOIN SI CELA VOUS INTÉRESSÉ JE PEUT VOUS LES PHOTOGRAPHIER
CORDIALEMENT CAYREL DIDIER